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Crise financière : en finir avec la notation ?

Publié le 08 décembre 2010 par Jblully

NotationC’est sérieux. C’est écrit en toutes lettres dans un « grand quotidien du soir », et largement repris : vingt personnalités qui comptent, parmi lesquelles un ancien premier ministre, Michel Rocard, et Boris Cyrulnik, le spécialiste français de la résilience, viennent de recommander la suppression de la notation. Avec ses corollaires : « l’obsession du classement », et, pour les moins bien notés, « la spirale de l’échec ».

Enfin l’espoir ! Fini le stress !

Des esprits chagrins ont aussitôt objecté que casser le thermomètre ne fait pas baisser la fièvre et que le remède est pire que le mal. Que le thermomètre a le mérite de donner l’alerte. Et qu’il donne aussi la mesure de la gravité de la situation.

Et pourtant : comment ne pas y penser ?! Car enfin, tout bien-portant est un malade qui s’ignore ! Quel bon thermomètre ne décèlerait pas, ici ou là, une petite fièvre passagère ? Or, se savoir malade aggrave parfois le mal…

La mauvaise note est bien de la même nature : elle nous guette tous ! Citoyens et contribuables, chefs d’entreprises, responsables politiques : nous vivons tous avec la peur des notes, l’obsession du classement, la hantise de l’échec. Peut-on imaginer la solitude du mal-noté devant ses proches et ses pairs, devant son banquier, devant les marchés, à l’heure de l’aveu ?

Alors rêvons un instant d’un monde sans notes et sans classement.

Les « marchés », guéris de leur amnésie, ne brûleraient plus les idoles qu’ils encensaient la veille encore.

Guéris aussi de leur schizophrénie, ils renonceraient à menacer à toute occasion l’euro – la monnaie unique qui leur a épargné la faillite.

Les Etats n’auraient plus à se comporter en girouettes tournant au gré du vent : ils ne s’engageraient pas, la page des largesses à peine tournée, dans une course vers la déflation ;

Les responsables politiques des grands pays, libérés du terrorisme des marchés, retrouveraient ainsi le plein exercice de leurs responsabilités devant leurs électeurs ;

L’Irlande remettrait sur pied son système bancaire dans le calme et la discrétion qui conviennent aux affaires d’argent délicates, en pleine confiance avec les autorités européennes ;

Les plus grandes puissances – Etats-Unis et Chine – échapperaient à la tentation du dumping monétaire qui hypothèque leur avenir, et celui de leurs partenaires, pour un bénéfice illusoire ;

Et, comme il est normal en période de sortie de crise, l’OCDE réviserait ses prévisions économiques pour 2011, non pas à la baisse comme il vient de le faire, mais à la hausse.

Allons, tentons une petite prescription, à l’heure où s’ouvre une année de présidence française du G20 :

1 – Gardons notre sang-froid ; l’économie de la planète trouvera bien les moyens d’une meilleure résilience : elle n’a pas le choix ;

2 – Améliorons nos thermomètres, largement obsolètes, qui ne mesurent quasiment plus rien de ce qui nous attend. Combien sont morts, d’Enron à Lehman Brothers, du marché américain des « subprimes » au secteur espagnol du bâtiment, qui étaient jugés bien portants tout juste avant la crise fatale ? Combien sont tombés gravement malades, de la Grèce à l’Irlande, pour ne pas parler des pays peut-être encore au stade de l’incubation ? Et qui peut prétendre prévoir les prochaines bulles financières, les prochaines faillites, les prochaines crises ?

3 – Aussi nécessaire soit-il, le meilleur thermomètre ne suffira pas, c’est la maladie elle-même qu’il faut comprendre, évaluer. Et la capacité du malade à la vaincre. Or la planète souffre d’une poly-pathologie. Nous avons besoin d’un vrai diagnostic.

4 – Comme un bon diagnostic ne suffira pas, il faudra mettre en place les meilleurs traitements. Sans états d’âme. Avec l’accord de tous – sous peine d’échec.

5 – Et comme le meilleur des traitements ne suffira pas à préserver l’avenir, c’est une véritable gouvernance économique de la planète, respectueuse des intérêts de tous, présents mais aussi à venir, qu’il s’agit de mettre en place. L’heure ne peut plus être à une compétition destructrice entre les grands Etats, et dommageable pour tous, mais à une coopération permanente, élargie et renforcée.

On le voit, le travail ne manque pas. Et …il sera noté !
Parce que – oui, j’ai oublié de le préciser – la recommandation de supprimer la notation, en fait, c’est seulement pour l’école primaire : pour préserver l’épanouissement de nos chères têtes blondes.

Mais où est donc la justice ? Qu’en est-il de notre épanouissement à nous ? En aurions-nous passé l’âge ?

Allons, patience : peut-être nos chères têtes blondes perdront-elles le goût de la notation…
Peut-être même oublieront-elles, le jour venu, de nous juger ?


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