Le Roy © La Boîte à Bulles - 2009
Hosni ou Le Monsieur de la Rue pour reprendre le titre de la première publication de ce témoignage dans la revue XXI en 2009.
Ses parents sont originaires de Tunisie mais Hosni est né et a grandi en France. Son père est arrivé avec la vague d’immigration de l’après-guerre, en réponse aux appels de la France qui avait besoin de main-d’œuvre. Il a travaillé pendant 20 ans puis, du jour au lendemain, la France n’a plus eu besoin de ces travailleurs immigrés. Alors le père d’Hosni est repartit, laissant femme et enfants dans l’Hexagone. Avec ce père, ce sont aussi des repères et un cadre qu’Hosni a perdu. Cet événement a marqué le début de sa dérive, une descente rapide vers la marginalisation et l’errance. Si dans ce sens-là le chemin se fait rapidement, pour remonter la pente… il faut avoir une motivation solide et un moral d’acier.
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Sans Domicile Fixe. Combien sont-ils dans cette situation à se raccrocher à des bouts de riens pour maintenir difficilement la tête hors de l’eau ? Combien sont-ils à changer d’abri de fortune toute les nuits ou toutes les deux nuits, chassés par des badauds choqués de leur misère et appelant la maréchaussée à la rescousse ?
« 115″, contrôles d’identité, milieu carcéral, Resto du Cœur… squatter, boire, mendier, déprimer… supporter, constater, attendre.
Hosni témoigne assez froidement de son parcours, mais comment pourrait-il en être autrement ? Comment pourrait-il parler de cette expérience sans serrer les dents ? Il remonte dans son passé douloureux, certains souvenirs sont encore à fleur de peau. Pourtant, il a déjà pris un peu de recul sur les événements. Un travail, un toit et une vie « normale » l’aident doucement à reprendre un peu d’estime et de la confiance en lui.Un album qui comporte très peu de dialogues directs, tout est narré par le biais d’une voix-off : celle d’Hosni. Sur ce monologue, Maximilien Le Roy a fait le choix d’appliquer des ambiances graphiques assez sobres. La colorisation de la période actuelle jure, les tons ne sont pas en harmonie, l’atmosphère est terne et teinte de mélancolie et de solitude… Hosni panse ses plaies et retrouve timidement une place dans la société. Quant à la période des souvenirs, Maximilien Le Roy a fait le même choix graphique que celui qu’il avait retenu pour illustrer le témoignage de Matan Cohen dans Les Chemins de traverse… Une bichromie classique de blanc et de brun clair : la neutralité. Pas de prise de parti de l’auteur, il se contente de son rôle de passeur de témoignages et je trouve ce choix très pertinent. Hosni semble à la fois détaché de ces événements et très amer des constats qu’il en tire : « Béton. On aurait du m’appeler comme ça, tiens ! J’ai grandi dans le granit et, bientôt quarante berges plus tard, je nage encore en plein bitume »…
Une seconde partie de l’album donne la parole à d’autres SDF. Albert, Jean-Pierre, Ludovic et Manuel témoignent. Des parcours que l’on connait malheureusement que trop bien quand on est travailleur social : l’un a cumulé les prises en charge depuis l’enfance, l’autre a vu sa vie basculer suite à son licenciement… S’insérer, retrouver une « utilité sociale », chercher en vain à croiser un regard respectueux… quand pour les uns ces attentes sont accessibles pour d’autres… elles ne sont déjà plus que de l’ordre du fantasme.
Une lecture que je partage avec Mango et les participants aux
« Je veux, si je suis élu Président de la République, que d’ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid, parce que le droit à l’hébergement, je vais vous le dire, c’est une obligation humaine. (…) Mes chers amis, comprenez-le bien, si on n’est plus choqué quand quelqu’un n’a pas de toit lorsqu’il fait froid et qu’il est obligé de dormir dehors, c’est tout l’équilibre de la société où vous voulez que vos enfants vivent en paix qui s’en trouvera remis en cause ! » ces propos extraits du discours de campagne de N. Sarkozy sonnent comme une jolie fable dans cet album… Et dire que dans moins de deux ans, on va de nouveau nous raconter de nouvelles fables pour que l’on puisse s’endormir le soir… Et dire qu’on est au mois de décembre, que c’est l’hiver et que des hommes et des femmes sont dehors…Cet album « fait partie de ces quelques bande dessinées qui ont fait grandir le médium, l’emmenant vers des territoires qui ne semblait pas le concerner (récit dramatique à la première personne, abordant des thèmes de société …) ». Ces propos de Mitchul sur Pilules bleues sont tout à fait transposables à Hosni.
Un autre avis sur Auracan et la présentation de l’auteur par F. Picaud.
Extraits :
« A la rue, soit tu marches en bande et tu peux être assuré d’un minimum de sécurité, soit tu fais bande à part et tu dois être sur tes gardes à chaque instant. Je suis un solitaire. Le choix était vite fait. Dors dans un foyer et tu peux être certain de te faire emmerder, tabasser ou racketter, il faut pas imaginer les sans-le-sou solidaires. Le peu que tu as est toujours trop pour qui a encore moins. Lutte des crasses en préfabriqués Sonacotra » (Hosni).
« Faut pas se raconter d’histoires. L’alcool est le seul camarade fidèle. Sans lui, sûr que j’aurais crevé. Froid. Mort. Solitude. Peur. Angoisse. Tous ces mots qui te bouffaient heure par heure se taisaient à mesure que le sang comptait en degrés » (Hosni).
Hosni
One Shot
Éditeur : La Boîte à bulles
Collection : Contre-Coeur
Dessinateur / Scénariste : Maximilien LE ROY
Dépôt légal : octobre 2009
Bulles bulles bulles…
Hosni – Le Roy © La Boîte à bulles – 2009
Hosni – Le Roy © La Boîte à bulles – 2009
Publié le Mercredi, décembre 8th, 2010 à 6:00 dans La Boîte à Bulles, Le Roy, Reportage / Témoignage | Respond | Trackback URL
Mots-clefs :BD, Errance, Intégration