Dans cette histoire assez étonnante (que d'aucuns qualifieront de rocambolesque) des 271 oeuvres inédites de Picasso apportées à la famille héritière par un couple de retraités des Alpes Maritimes, il est intéressant de s'attarder tout de même sur l'importance artistique des dites oeuvres alors que les médias mettent surtout l'accent sur leur valeur marchande.
J'ai été particulièrement interpellé par une étude de main, tout à fait envoûtante. Parée de couleurs fauvistes, cette main sort littéralement de la toile avec une puissance expressive surprenante. Dans le cas précis, ce terme de fauvisme prend tout son sens littéral. On sait à quel point la dualité homme / animal, le caractère bestial des sujets peints par Picasso était un thème cher au maître. On est ici, je trouve, au centre de cette dualité. La force musculaire ici transcrite, exacerbée par le jeu complémentaire des couleurs dégage un sentiment de puissance qui évoque de façon évidente quelque patte épaisse d'un animal, un... fauve justement. Je me permets de faire ici un parallèle que vous jugerez peut-être déplacé avec les pattes de tigre brossées par les peintres traditionnels chinois.
La bestialité de cette main est évidente. Il s'en dégage à la fois une force indéniable et une certaine sérénité. Quand on sait à quel point, dans la peinture classique et académique, la grâce des mains devait constituer un code incontournable (code sublimé, par exemple, avec les peintres maniéristes de la fin du XVIème siècle), Picasso, comme dans toute son oeuvre, brise les conventions et s'attache plutôt à traduire la part animale qui peut résider en tout homme (ou femme, on ne sait pas bien sur cette étude ?) et, surtout, désire revenir à une expression brute, directe, dénuée de tous les apprêts du classicisme.Cette main a un caractère proprement hypnotique...