J’ai vécu une soirée au rythme de la neige qui bloquait la circulation autour de Versailles empêchant les automobilistes et les trains de circuler. En attendant le retour de personnes de ma famille qui finalement auront eu la chance de ne rester bloquées dans leur voiture que six à huit petites heures alors que tant d'autres personnes ont dû passer la nuit sur place sans pouvoir rentrer chez eux, je me suis mise à chercher des épisodes neigeux dans les classiques qui m’entouraient. Je me suis souvenue du passage de la tempête de neige décrite par Pouchkine au début de « La fille du capitaine » (p 627, La Pléiade)
(Le narrateur doit rejoindre son lieu d’affectation militaire pour la première fois. Il s’y rend dans une kibitka, sorte de charrette recouverte d‘une petite tente de feutre)
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«Une neige fine se mit à tomber, soudain elle s’épaissit en gros flocons. Le vent hurla ; c’était la tempête. En un instant, le ciel sombre se confondit avec la mer de neige. Tout disparut.
-« Eh bien, barine, s’écria le cocher, voilà : c’est la bourrasque ».
Je me penchai hors de la voiture pour regarder : ce n’était que ténèbres et tourbillon. Le vent hurlait avec une si sauvage éloquence qu’on aurait dit un être animé ; La neige s’entassait sur le cocher et sur moi, les chevaux allaient au pas et bientôt s’arrêtèrent.
(…) Il n’y avait rien à faire. La neige tombait toujours. Elle s’amoncelait autour de la voiture. Les chevaux restaient immobiles, la tête baissée, frissonnant parfois. Je regardais de tous côtés, espérant apercevoir au moins la trace d’une maison ou d’un chemin, mais je ne pouvais rien distinguer d’autre que le tourbillon opaque de la tempête.
J’ordonnais qu’on se mit en route. Les chevaux avançaient avec peine dans la neige profonde. La kibitka allait lentement, tantôt grimpant sur un tas de neige, tantôt s’enfonçant dans un trou, roulant d’un côté sur l’autre. On aurait dit un bateau sur une mer démontée ».