Tenter de résumer Mort et vie d’Edith Stein revient à accepter une mission quasi-impossible. Disons quand même que Yann Moix a tenté, d’une manière très personnelle, d’établir une biographie d’Edith Stein, née à Breslau en 1891, dans une famille juive. Dans sa jeunesse, elle étudie la phénoménologie avec le philosophe Husserl, avant d’être tentée par la religion catholique. Elle se convertit et se retire au Carmel, où elle devient sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Mais ses origines juives la rattrapent : en 1942, Edith Stein est capturée par les allemands. Déportée à Auschwitz, elle porte le matricule 44 074, et sera gazée quelques mois plus tard. Enfin, en 1987, Jean-Paul II la béatifie, faisant d’elle à jamais sainte Thérèse Bénédicte de la Croix du Ciel.
Difficile de trouver matière plus littéraire et mystique que la vie d’Edith Stein. La façon avec laquelle Yann Moix gâche cette chance relève également, en un sens, d’un art consommé. Dès les premières phrases, on entrevoit l’ampleur de la catastrophe : « Amour. Vous croyez que je m’en moque. Je suis vivant. Il ne s’agit plus d’aimer réussir à. Mais de réussir à aimer. La multitude n’est pas de cet avis ? Peut-être. ».
Zéro pointé également quant Moix se charge d’appréhender la religion, élément-clé du destin d’Edith Stein. On a droit à du ridicule abscons (« Edith referme la Torah, elle ouvre le monde. Elle choisit ce qui est réel, ce qui est monde. Les ronces, par exemple, sont monde. ») voire à des descriptions fortement douteuses (« Car la Grâce n’est pas : encore là. Edith n’est pas encore touchée par la Grâce : ce sont des attouchements. »).
On pourrait allonger, encore et encore, cet inventaire de phrases dont certaines resteront cultes, tant leur comique involontaire fait mouche. Mais le plus insupportable, finalement, est cette hauteur avec laquelle Moix traite son lecteur et, quelque part, la totalité de ses confrères (dont la majorité sont plus brillants que lui). Il y a dans son écriture une prétention croupissante, qui se matérialise parfois de la manière la plus détestable qui soit. A ce titre, on pourra citer le pseudo-style employé pour par l’auteur pour rythmer son texte : entre caler jusqu’à l’excès les fameux « : » dans ses phrases. On imagine qu’il y a là une recherche de rythme, d’écriture quasi-poétique qui sait, mais l’initiative est tellement mal conduite qu’elle en devient insupportable. Une épreuve supplémentaire dans un livre qui, franchement, en a déjà suffisamment infligé à son lecteur…
« Mort et vie d’Edith Stein » de Yann Moix, Ed. Grasset, 180 pages, 14,90 €