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Max | Enzo Cormann

Publié le 07 décembre 2010 par Aragon

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son blogue, à boire sans modération : http://www.cormann.net/

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AVINERIES

1.
comme si j'avais
tenez de mes dix doigts tenus sarment
au seuil de la matrice
tenu ténu le jus de la mamelle absent
tenu le blanc non bu pour la la sève vermeille
de l'existence et même
pour le jus de l'existence-même
à même la mère-terre
à même la soif essentielle
la tête à subsister la bouche à
s'enviner du blanc primeur coulant
de ses seins interdits de primipare
comme
pélican de grave ou pingouin de côteau
si j'avais à coups de bec ou d'aile
crevé la poche pour mon dû
"j'exige génitrice l'elixir de soleil
Je n'ai pas eu ton sein
j'ai le luxe du vin"
2.

mais diront d'aucuns
la maman ne fait rien à l'affaire
primo ils ont raison je bois à leur santé
et j'ai pareillement raison je boirai à la nôtre
nos mères nous ont ouvert la bouche
nous avions nos papilles
nous goûtons le flacon en tête-à-terre
la mère n'y est pas ('pas ?)
mais le vin s'en souvient
3.

secundo les filles
grappes soyeuses goûtées grain à grain
cep et suc se penchant aux vendanges
libertines sucrées à pulpe me veux-tu
vin de soif camarade
je trinque à ces septembre de régalade
4.

tertio comme si
nous n'étions pas ce que nous têtons
la tête n'est-elle pas le vestibule du corps ?
baisers goûlées et mots mêlés en bouche
la même langue qui parle roulepelle claque
déléguée dans le verre la femme l'assemblée
la même langue oui pour tâter le terrain
et têter le terroir
5.

débouchons celle-ci avec sang-froid
sauvage au nez comme le lièvre débusqué
regardez-le qui fout le camp !
et dans le verre fleur dressée
avec ses safran ses garance ses rubis en potion
de pollen sang café savane d'ocres
jus de cuir et morilles truffe grenat
le nez mordu au seuil du terrier
la langue est au verger le reste pleut et crame
déshabillé de brumes matinales et cravate carmin
fanfare en bouche velours en gorge puis au refrain :
"pas mauvais qu'en dis-tu ?"
6.

interrogeons la science
le vin sent le vin parce qu'il est sympathique
par sympathie le vin s'avine
c'est par abus qu'il nous enclume
et par bonté mais oui qu'il est demeuré un liquide fidèle à ses origines
en dépit des recommandations darwiniennes
(imaginons un vin qui pour se défendre de l'ingestion aurait progressivement pris la forme d'un oursin)
l'énergie sympathique et la molécule bonne fusionnent (et l'on dit alors qu'elles s'agrappent ou s'attrapent ou s'étripent ou s'aggripent ou se grippent ou se groupent ou s'attroupent ou — quoique plus rarement — qu'elles passent à la trappe)
le vin s'enivre pour oublier qu'il boit
le degré d'alcoolaïcité est fonction de l'âge de l'instituteur
sera dit "vin de garde" un litron soupçonneux
il ne sera pas question ici de "vin de table" dont les molécules flottent
et qui ne se boit pas mais se digère
le vin jeune est traîté le vin vieux retraîté
une barrique pèse son poids (à peu de choses près)
merci professeur
7.

j'ai épousé le vin en grande trombe
et il m'a engossé tout cru
moi qui rêvait d'être archevèque me voici femme de vin
bonbonne en trigoudis le pif groseille
élevant mes bouchons au tanin en vrac
on dit que j'bois mais je bois qu'du bon
c'est bien le moins pour une grosse de vin
si seulement j'avais un métier comme le sien
je coulerais des gens heureux
ils me pisseraient des ailes je boirais du pays
je pourrais même faire des méninges
au lieu de passer mes journées à l'apprendre
seule et soûle à me songer les sangs
la dérision s'implose :
je crois que je vais diverser il m'en a trop fait boire
8.

vin d'embuscade canons au vert
à mon commandement buvez !
humez lampez vos fonds de verres
aucun de nous n'en sortira vivant
vin de guinguette au temps ! au temps !

l'accordéon s'échine et guigne le flacon
qu'on donne à boire à ces hommes !
et soûlez-moi ces femmes !
vin des amants au flanc du pieu

ma toute belle ces bulles vous piqueront le nez
comme piqua mon chibre
droit sur votre douillet
vin du pardon je t'aimais comme

et toi couci-couça
je bois à ta bouche gourmande
et à celui qui la baisa
vin de l'hiver en grolles poêle et blues

je te bois toute nue par temps de gel
toi qui tout l'été m'alluma
dans ton fourreau de velours rouge
vin de cabale en toast

au dieu toqué d'Omar Khayyam
je bois c'est entendu
mais c'est toi qui est soûl !
E.C. Villerouge, 2006



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