La mammographie est l’élément le plus important en matière de diagnostic de cancer du sein. Malheureusement, on le sait, elle n’est pas fiable à 100%. Une petite société anversoise, Caeleste travaille actuellement avec le département de pathologie et celui de radiologie de l’hôpital universitaire de Bruxelles (UZB) pour étudier la pertinence et l’avantage de la radiographie couleur dans le diagnostic. Les résultats très prometteurs des essais en cours seront présentés en mars prochain au symposium de la société radiographique européenne de Vienne.
Benoit Dupont, Docteur en science de l’université Paris Sud, chief designer et cofondateur de la société Caeleste, a gentiment répondu en avant première à mes questions concernant cette avancée technologique qui est bien loin d’être un gadget pour radiologues.
Pouvez-vous en quelques mots nous présenter votre essai et ses premiers résultats
B.D Notre start-up Caeleste développe la prochaine génération de détecteur rayon X pour la mammographie. Basée sur une technologie CMOS, ces détecteurs actuellement au stade de prototype permettent d’une part une réduction de la dose reçue par le patient, et d’autre part d’obtenir des mammographies couleur dans le but d’améliorer le diagnostic.
Pour en être sûr, nous travaillons avec l’hôpital universitaire de Bruxelles (UZB, Universitair Ziekenhuis Brussel) qui a réalisé des essais croisés sur des clichés en noir et blanc et en couleur à discrimination d’énergie. Pour l’instant 18 cas ont été étudiés. Dans un tiers des cas, les mammographies couleur ont permis une meilleure évaluation de la taille des lésions, et dans 31% des cas, les lésions multi-foyer sont mieux appréhendées par la radiographie couleur.
Vous attendiez-vous à d’aussi bons résultats?
B.D On s’attendait en effet à un impact positif sur le diagnostic du cancer du sein. Quand on a commencé les recherches au niveau capteur, on se disait que ça devait présenter un intérêt. Mais Caeleste est une société composée d’électroniciens et de physiciens, et nous n’avons pas les compétences en médecine pour procéder à une telle évaluation. C’est pour cela que nous avons travaillé avec l’UZB qui a évalué cette technologie indépendamment. Je dois dire que nous sommes ravis de ce partenariat et des résultats de leurs recherches qui nous confortent dans nos efforts.
Est-ce que cette nouvelle technologie s’appliquera uniquement à la mammographie ?
B.D En fait notre technologie s’applique aussi aux radiographies standard (thoracique, dentaire …) mais la mammographie est le domaine qui en bénéficiera le plus car le diagnostic est encore aujourd’hui très difficile.
Au niveau des patientes, la « prise du cliché » est-elle la même que dans une mammographie classique? Est-ce le même appareil?
B.D Pour l’instant oui, ce sont des essais avec un appareil GE classique mais en double exposition pour les besoins de l’expérience. A terme, on utilisera notre détecteur (en prototype actuellement sur une petite puce), qui sera lui en simple exposition et donc simple dose.
En fait, nous avons apporté notre soutien technologique aux gens du médical parce qu’on voulait être certain que ça apportait vraiment un plus du point de vue du diagnostic. Si c’est pour faire de la couleur pour dire que l’image est en couleur, ça ne sert à rien, c’est du simple marketing et c’est vendre du faux espoir. Donc, on a choisi d’abord de voir si ça servait à quelque chose avant de se lancer. Et il se trouve que ça sert à quelque chose, donc on est assez content :-).
Les radiologues devront-ils complètement changer leur appareillage? Le coût en sera-t-il important?
B.D Seul le détecteur sera à changer, tout le reste est identique Pour l’instant, nous n’avons pas une idée précise du coût du détecteur final, mais on pense qu’il sera un peu supérieur à celui d’un détecteur classique numérique TFT, c’est du CMOS, plus cher à fabriquer. La technologie est plus complexe aussi, mais le gain de performance est phénoménal : on ne peut pas faire de couleur avec un TFT sans imposer une double exposition aux patientes, alors qu’avec notre CMOS, on pourra le faire avec une réduction de dose en prime, de la couleur et en simple exposition.
Y a-t-il besoin d’une formation spéciale à la lecture pour les médecins?
B.D Je ne suis pas radiologue mais je dirai qu’à priori, non, pas spécialement. Quand les cliniciens savent que les couleurs correspondent en fait à des matériaux différents, ils en déduisent la nature des tissus observés et font leur diagnostic. Il faut dire aussi que les spécialistes du cancer du sein sont déjà tellement pointus qu’ils appréhendent ces nouveaux clichés vraiment très vite. En attendant, notre collaboration avec les cliniciens ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Nous continuerons à travailler avec eux pour le développement de notre technologie et son amélioration continue. Pour nous, le retour d’expériences de ceux qui font le diagnostic est très important.
Y aura-t-il d’autres essais d’ici mars?
B.D Il y aura une série de 50 essais en ‘aveugle’ avec un panel de cliniciens pour valider. Ces recherches sont également validées par le comité d’éthique de l’université.
Quel délai pour que l’essai soit validé et mis sur le marché?
Nous avons un petit prototype qui fonctionne (petite surface), on augmente progressivement la taille de nos composants actuellement, puis on passera aux détecteurs de taille mammographiques, on espère d’ici fin 2011. Mais, les qualifications médicales sont longues, il ne faut pas espérer avec une telle machine sur le marché d’ici 3 à 4 ans.
Illustration : UZB et société Caeleste
Le site de Caeleste : http://www.caeleste.be
Benoit Dupont sur Twitter : @Benoit_Dupont
Son mail : [email protected]