A propos de We are four lions de Chris Morris 4 out of 5 stars
Dans une banlieue anglaise, quatre zozos djihadistes, décidés à mettre à feu et à sang le Royaume, n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’emplacement le plus pertinent pour se faire sauter. Quel endroit à brûler symboliserait le mieux l’impérialisme occidental ? Une pharmacie ou un Mc Donald ? Dans leur bêtise, ils en arrivent à hésiter entre une mosquée et une foule…
C’est une comédie noire extravagante, de mauvais goût mais plus profonde qu’il n’y parait. Car derrière son humour loufoque et délirant, We Are Four Lions analyse avec recul les motivations qui peuvent pousser des terroristes à tuer des innocents. Leurs errances, leur peur à l’instant de commettre un attentat.
Le grotesque des situations et la bêtise de ces quatre protagonistes cachent une tragédie bien réelle. S’inspirant de faits divers concernant des attentats ratés dans des avions (notamment ceux d’Abdoul Farouk Umar Abdulmutallab et de Richard Reid) ou de l’histoire du terroriste qui, après avoir caché une bombe dans ses fesses, rata l’assassinat d’un prince saoudien, Chris Morris dresse le portrait de quatre terroristes anglais (dont deux sont d’origine pakistanaise) qui ont en commun le fait d’être aussi « paumés » qu’abrutis.
Mais ce comique de façade cache une réalité et une tragédie bien réelles, à l’image de la scène du dénouement lors du marathon de Londres. Que retenir de ces quatre lions ? Qu’ils ont un rapport lointain avec Jackass ? Peut-être plus proches de l’idiotie en Art. Si Chris Morris, dont c’est le premier long métrage, semble s’être inspiré pour ses dialogues du décapant Into the loop, ce n’est pas ce qui fait mouche dans son film.
Cela ne veut pas dire que We are four lions n’est pas drôle. Mais ce que l’on retient davantage, c’est un comique visuel fait d’outrance, de grotesque et d’un humour cynique très « british ». Par exemple lorsqu’un des terroristes se fait sauter involontairement en trébuchant contre un mouton.
We are four lions est drôle dans cette vision cocasse d’un terroriste déguisé en ninja ou remuant systématiquement la tête pour que des caméras de surveillance n’aient qu’une image floue de lui ! Reprenant des anecdotes sur des camps d’entrainement au Pakistan, Chris Morris est allé jusqu’à imaginer la mort accidentelle de Ben Laden, « bazooké » involontairement par deux de nos terroristes idiots.
Il y a de bonnes idées dans le synopsis (concocté par les scénaristes de Brüno), de vraies trouvailles visuelles dans ce film qui assume jusqu’au bout ses excès et sa démesure. Mais surtout, We are four lions, qui suit nos quatre pieds nickelés à la manière de C’est arrivé près de chez vous et d’un documentaire filmé tantôt en caméra à l’épaule (côté amateur du zoom et du dézoom) tantôt en gros plan, sait prendre un temps de pose et regarder la situation avec recul voire gravité.
C’est le cas dans la scène où l’un des quatre terroristes, s’adressant à un voisin musulman plus modéré que lui, lui lance, amer, qu’il n’a aucune envie de suivre ses leçons ennuyeuses de sagesse. Apparait alors une forme d’amertume insoupçonnée, méconnue chez ce terroriste, mais qui vient épaissir les traits de son personnage, donnant au film une consistance, un corps, un recul qu’il n’avait pas jusque là. Sans tomber dans le moralisme, Morris dépeint des terroristes à l’idéologie confuse, perdus dans une mission qu’ils n’assument plus au dernier moment. L’humour devient alors de plus en plus noir. La chute ne fait pas vraiment rire…
Et c’est là que Morris est très fort, dans cette ambiguïté du rire, dans cette manière de retourner le rire contre le spectateur à la manière d’Andy Kaufman. Et de nous poser abruptement la question : « Et ça, ça vous fait vraiment rire ?… »
www.youtube.com/watch?v=EkylRhHG1vA