A la Comédie des Champs-Elysées, à bientôt 85 ans, Michel Bouquet fait résonner les mots de Ionesco, les angoisses, les délires et les sanglots du vieux roi. On est subjugué par la puissance de l’acteur qui tous les soirs meurt en scène.
Le roi est vieux, malade. Il va mourir, tout comme son royaume désolé, en perte de vie et de repères, jusqu’à la natalité qui est à zéro. Les écoles sont vides, on y trouve juste quelques débiles. Le décor grisâtre imaginé par Agostino Pace est construit sur cette idée de délabrement, jusqu’au dossier du trône fendu, tout comme les magnifiques costumes de Pascale Bordet, à la fois bariolés et hétéroclites. Ce bouquet d’usure nous sert une théâtralité assumée, jouant avec les anachronismes pour inviter l’esprit de Ionesco dont la fable offre une parabole apocalyptique avec Béranger comme antihéros. Son agonie est le signe d’une page qui se referme emportant tout dans sa chute. Mais il est roi, et en bon despote, il pense pouvoir tout contrôler jusqu’à refuser la mort.
« Tout disparaît. Il est seul, égaré dans le vide sous une poursuite qui éclaire sa pâle tête, l’image est saisissante, si courte et donne l’impression d’une éternité. ». Une éternité théâtrale qu’il faut vivre un jour, même si l’on n'en garde, comme le roi, qu’une futile épave arrachée d’une main d’envie à l’oubli naissant.
Co-écrit par le Cercle Rupturel