La France dans le rapport Doing Business 2011 : peu de chances de faire mieux ?

Publié le 06 décembre 2010 par Jblully

La France a-t-elle définitivement perdu les chances de progresser notablement dans le classement Doing Business de la Banque mondiale qui évalue 117 économies dans le monde selon la facilité à y faire des affaires ? C’est la question que l’on peut se poser en constatant que l’Hexagone n’a progressé que de deux places (de la 28ème à la 26ème place) entre 2009 et 2010 illustrant un fort activisme des pays en développement – Top-reformers – qui ont davantage à faire pour réformer leur législation dans un sens “business-friendly” mais aussi un certain “immobilisme” de la France qui n’a aucune réforme à faire valoir cette année. Les conditions de création d’entreprises n’ont pas changé depuis plusieurs années même s’il est vrai que le nombre de procédures et de jours nécessaires à la création d’une structure est en deçà des pratiques de ses voisins et de la moyenne des pays de l’OCDE.

Certes, la France n’a pas, pour une fois, matière à jalouser l’Allemagne, laquelle ne se classe qu’au 22ème rang mondial (contre le 21ème rang l’année d’avant) alors que le pays a introduit dans l’intervalle des mesures améliorant la communication entre les notaires et le registre du commerce et supprimé l’obligation d’une annonce dans un journal lors de la création d’une entreprise. Au demeurant, la France est loin des “indéboulonnables” premiers que sont la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Danemark, le Canada et la Norvège rangés du 3ème au 8ème rang mondial.

Sur certains critères (octroi de permis de construire, obtention de prêts, commerce transfrontalier), le classement de la France ne s’améliore pas ; il se révèle peu louable en ce qui concerne la protection des investisseurs (74ème place mondiale) et même catastrophique (malgré une remontée de la 161ème place à la 142ème place) en ce qui concerne le critère de “transfert de propriété”. Sur ces deux volets, semblent en cause : la lourdeur des procédures administratives pour l’enregistrement des droits de propriété (huit procédures nécessitant 59 jours) et le faible niveau de responsabilité des dirigeants (1 sur une échelle croissante de 0 à 10 contre 5,2 dans l’OCDE) amenuisant la protection de actionnaires à l’heure où la gouvernance des entreprises prend une dimension nouvelle après la crise.

L’”appel du pied” fait implicitement à la France par ce rapport est sans ambiguïté. D’une certaine façon, le positionnement de l’Hexagone illustre le regard fait d’attentisme voire d’incompréhension – notamment lors des grèves contre la réforme des retraites – que le monde, anglo-saxon plus particulièrement, pose sur notre pays et son effort insuffisant pour se projeter dans l’avenir.

Les chances de la France de conforter ou d’améliorer sa place vont encore être amoindries l’an prochain puisque la Banque mondiale va intégrer deux critères supplémentaires : l’accès à l’électricité et la réglementation du travail. Sur le premier point, la France vient tout juste d’être poursuivie par la Commission européenne pour ses taxes locales d’électricité ; sur le second point, la France risque d’être particulièrement pénalisée et perdre tout le bénéfice de l’action de sensibilisation menée, ces dernières années, par la Fondation pour le droit continental afin que soient mieux prises en compte les spécificités d’un droit français éloigné de la Common Law traditionnellement privilégiée par les experts de la Banque mondiale.

In fine, l’on ne pourra s’empêcher de souligner combien le rapport Doing business, malgré l’usage pratique et élargi que l’on en fait aujourd’hui, comporte toujours des limites : le nombre d’entreprises créées ces derniers temps sous le statut d’auto-entrepreneur en France et le montant des investissements directs étrangers sur le territoire français (rangeant la France au 3ème rang mondial) montrent que les acteurs, quels qu’ils soient, trouvent dans la France des indices d’attractivité qu’un classement mondial n’est pas toujours à même d’identifier et dément quelque peu l’idée d’une France qui ne bouge pas.