C’est une étrange exposition que celle de Mondrian au Centre Pompidou (jusqu’au 21 mars), d’abord parce que l’exposition Mondrian proprement dite est comme prise en sandwich au milieu d’une exposition De Stijl : si la genèse de l’oeuvre de Mondrian est à peu près correctement explicitée au sein de De Stijl, rien ou presque n’est dit sur leur rupture en 1927. Je suis loin d’être un spécialiste de cette école; il m’a semblé (mais rien dans l’exposition ne vient le confirmer et je n’ai pas eu le catalogue) que l’option de Mondrian ‘ la peinture et rien d’autre’ (ou presque, quelques ‘maisons de poupées’ sont reconstituées ici) n’était sans doute guère compatible avec la volonté des autres membres de De Stijl d’explorer tous les arts, majeurs comme mineurs: architecture, textile, vitrail, typographie, design, mobilier, cinéma, dans une effervescence sociale réjouissante, aux antipodes du puritanisme théosophe de Mondrian.
Alors reste le plaisir de voir l’évolution de la peinture de Mondrian, de la figuration à l’abstraction d’abord (c’était le tire d’une excellent exposition à la Fondation Maeght il y a 15 ans, très pédagogique, elle, autant qu’il m’en souvienne). Parmi les tableaux figuratifs, pas très nombreux, j’ai aimé ce Paysage de dunes (en haut) de 1911 où les bandes colorées du sol et les striures célestes composent une géométrie prémonitoire. Son art évolue alors entre symbolisme, fauvisme et cubisme, et l’arbre, tordu, noueux, nerveux, tragique, est un motif récurrent (Arbre rouge, 1909).
Quand arrivent les compositions si caractéristiques, en 1920, les premières sont équilibrées, pures, harmonieuses (Composition, 1921).
Et puis, dès 1922, un déséquilibre s’installe, un grand rectangle occupe l’essentiel de l’espace, repoussant les zones colorées aux limites, créant une tension, une rupture bien différentes (Composition, 1922). Avouerais-je qu’au bout d’un moment on accélère le pas, on ne porte plus qu’un oeil un peu distrait sur ces innombrables compositions ? Un peu de lassitude s’installe, surtout vers la fin des années 30, grisaille et monotonie.
Et puis, soudain, une toile éclate, comme des cymbales, New York City (1942), une composition vibrante, rythmique, éblouissante. C’est hélas le seul témoignage ici de son travail après son départ de la France en 1939. Boogie-Woogie n’est pas venu (ni Broadway, ni Victory), ni rien d’autre postérieur à 1939. Grand dommage !
Sur De Stijl, mon attention, trop avide de Mondrian, fut un peu trop distraite, peut-être reviendrai-je. Voici donc une toile, une seule, de Bart van der Leck, les Dockers (1916), au style ‘égyptien’ avec ces personnages ni de face, ni de profil, et cet étagement par plans successifs sans perspective.
A lire : Dagen.
Photo van der Leck de l’auteur. Bart van der Leck étant représenté par l’ADAGP, la reproduction de son tableau sera ôtée du blog à la fin de l’exposition. Les reproductions des toiles de Mondrian © The Mondrian Trust seront également ôtées du blog à la fin de l’exposition.