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Déjà, dans son premier film Pour elle, jaillissaient les promesses de Cavayé : efficacité redoutable, énergie monstre, et montage parfait. Il réitère l’exploit ici, avec la même trame de base : l’histoire d’un mec lambda (Gilles Lellouche), prêt à absolument tout pour sauver sa femme. Le prof est devenu aide soignant, la femme demeure- d’une nouvelle manière- captive ; et, derrière le méchant, se cache toujours le même ennemi : la stupide rigidité des institutions françaises. Et c’est parti pour une heure et demie d’action pure, tourbillon d’adrénaline décomplexé où l’image substitue le mot, la forme transcende le fond ! Un drainage des émotions plus tard, et toujours dans la perspective entêtée de resserrer au maximum l’intrigue, le cinéaste tronque tout superflu et ne garde que l’essentiel : la violence d’un compte à rebours, la furie du désespoir. Sa réussite ne tient qu’à un fil- qu’il maintient tendu d’un bout à l’autre : cet acharnement sournois, énervé, inspiré, qu’il fait subir à son Monsieur Tout le monde, aide soignant entraîné dans une course parisienne dingue, criminel au bras (Roschdy Zem), flic aux trousses (Gérard Lanvin, épatant). A bout portant puise alors sa force dans sa capacité à surprendre et contrer toutes les attentes, cette volonté inestimable du toujours plus, ce crescendo de péripéties cruelles d’abord, cette surenchère d’obstacles sur la route des protagonistes ensuite. C’est simple et bourrin, étudié aussi, profondément honnête. Cavayé ne ment pas et offre du spectacle extraordinaire à partir de l’ordinaire, soignant l’allure formelle, l’impulsion, l’élan. Ainsi, il n’y a ni temps à perdre, ni temps perdu. Ni plus ni moins qu’un enchaînement logique et coordonné de tout ce qu’il faut pour faire un bon film : une cadence effrénée, une atmosphère singulière, un souffle donné à chaque séquence, palpitant, essoufflé, haletant. Et un bel exercice de style : pimenter la recette sans ternir le goût, renouveler les ingrédients sans jamais lasser.