Etat chronique de poésie 1069

Publié le 06 décembre 2010 par Xavierlaine081

1069 

Ce qui est enduré au titre de peine est parfois pire que le crime lui-même. 

Il faut être passé au laminoir blanc de l’âme pour en savoir toute l’amertume, toute la souffrance. 

Ou avoir vécu cet autre blanc qui vient, juste avant que le crime n’arrive, lorsque, seulement, aveuglé, noyé dans les chagrins d’une existence amère, plus rien ne saurait arrêter le bras meurtrier. 

Si longtemps alors on garde le goût âcre du sang sur les lèvres, et si souvent on se lave les mains de peur d’y voir réapparaître la trace, sans être passé à l’acte. 

On souffre du simulacre presque autant que de son cousin répréhensible. 

Il s’ensuit un blanc parfait, que les camisoles chimiques ne suffisent à redorer, ni les divans qui ne font qu’ouvrir la perspective d’en assumer la présence narquoise. 

Tu ne sais plus depuis combien de temps tu peines, en chien de fusil sur ton grabat de solitude. 

Tu ne réponds plus, ni aux gardes qui t’apportent ta vaine nourriture, ni aux portes qui s’ouvrent pour t’inviter à te défendre. 

Tu attends la faucheuse, car tu sais que là, seulement, entre ses bras d’os, tu seras délivré de ton fardeau. 

Prostré, tu ne regardes plus rien des jours qui défilent au carreau de cette fenêtre, là-haut. 

Tes rêves ne te portent même plus à l’évasion virtuelle. Tu n’écoutes plus, ni les battements de ton cœur ni le mouvement réduit à l’extrême de ta respiration. 

Tu sens simplement que ton lit se met à vaciller. Tu ne cherches même pas à savoir quel séisme te saisit. 

Tu te laisses emporter en espérant que ce soit elle. Elle qui prend les traits avenants d’amoureuse femme. Dans cette vague qui t’emporte, elle te tient pas la main. Tu ne la connais pas. Tu ne sais rien d’elle. Tu sais seulement la compagnie de son sourire qui, depuis si longtemps te porte à survivre. Elle ton ancre en ce monde. Mais, toi, désormais tu préfèrerais sa sœur, noire et chaude, qui te tirerait par les pieds hors de ce monde blanc où tu te sens déjà mort tout en étant vivant. 

Dans un léger balancement, pourtant, tu sens bien que quelque chose a changé. Si faible, tu ne sais comment interpréter cet étrange sentiment. 

Quelque chose de moelleux vient au contact de ta carcasse décharnée. Tant de douceur te fait hurler : un cri dont tu ne te sentais pas capable ; celui d’une bête à l’agonie. Tu te surprends à craindre cette douceur brutale. Elle est une agression non désirée. Presque tu te mettrais à regretter la planche et le drap rêche. 

Des voix se détachent, chaque jour, qui se rapprochent, puis s’éloignent. Tu ne comprends rien de ce qu’elles disent. Tu sais simplement qu’elles parlent de toi. Mais toi, tu persistes à être ailleurs, dans ce coton blanc qui fut ton seul univers. 

Ils ont fini par te glisser une planche sous tes reins de souffrance. Tu les perçois étonnés de ton calme serein au contact de cette dureté devenue habituelle. Ils ne comprennent pas. Toi non plus. 

Manosque, 7 novembre 2010 

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