Vilhelm MOBERG – La dernière lettre au pays natal, tome 8 de la saga desémigrants
La saga des émigrants s’achève avec ce tome 8.
C’est un livre poignant, profondément humain et touchant, une fin en apothéose.
Les drames ne sont pas épargnés aux immigrants, chacun des immigrants suédois continue sur la route qu’il s’est tracé tout au long de ce périple. Mais la fin est pourtant différente de ce qu’on imaginait.
Si on s’attendait à un ultime tome qui s’achève dans le calme, ce n’est pas le cas.
Ce tome est plein de rebondissements, plein de vie mais également plein de tragédies,.
Ce volume nous fait avant toute chose le récit du soulèvement terrible des indiens en 1862, le massacre de milliers de pionniers, la vengeance sanglante d’un peuple dépossédé et affamé.
Les pionniers sont effrayés et tentent de préparer une défense pour protéger leurs terres et leurs familles.
Etrangement sculpté dans la roche, la tête d’Indien qui surplombe le lac observe les immigrants et semble participer à la vie de son peuple et celle des nouveaux venus.
Au cours de ce livre, nous observons également la nouvelle génération prendre le pas sur les premiers immigrants, nous assistons à un changement profond de la vie près du Chisago Lake, celui qu’autrefois on appelait le Ki-Chi-Saga. Le nouveau Duvemala devient le Nelson Settlement.
Les enfants, devenus adultes, sont désormais américains et font leur vie. Les pionniers suédois deviennent les « vieux ».
Nos amis, ceux dont nous avons partagé le chemin, ne peuvent faire autrement qu’avancer sur leur propre route, traçant leur chemin sans tenter d’influencer la nouvelle génération qui se prépare à prendre la suite.
Certains réussissent au-delà de leurs espoirs, comme Ulrika, devenue l’une des femmes les plus aisées de Stillwater, d’autres ne parviennent pas à trouver pied, comme Anders, qui sombre de plus en plus dans l’alcoolisme.
Mais tous gardent en eux leur passé, aucun ne parviendra de rejeter ses racines, ses blessures, ses rêves.
Et ce n’est qu’avec ce dernier tome que nous réalisons que les héros de cette saga, Karl Oskar et Kristina, étaient une unité indissociable, nous ne comprenons qu’au cours de ces dernières lignes la profondeur de leurs sentiments et le besoin que l’un a de l’autre.
Et ce n’est qu’avec ce dernier livre que nous comprenons que leur vie, qui nous semblait si intense, si riche, si héroïque, n’était qu’une vie parmi des millions, un destin qui disparaîtra dans l’océan des générations.
Ce roman nous rappelle également que, peu importe où nous allons, peu importe la distance que nous parcourons et le temps que nous mettons, notre enfance, nos racines seront à tout jamais ancrés au plus profond de nous.
Nous pouvons nous efforcer de le nier, comme Karl Oskar le fait, ou l’admettre comme Kristina, le fait est que l’un est l’autre resteront toujours Karl Oskar et Kristina de la paroisse de Ljuder.
Leur vie a été celle des hommes et femmes simples ceux qui ont affronté la vie, qui ont eu le courage d’aller de l’avant. Ils ont fondé des villes, peuplé le territoire, cultivé la terre.
Ces hommes simples, cultivateurs courageux et travailleurs, ont permis la colonisation des contrés lointains, là bas, dans le Minnesota.
Mais ils ne font partie que d’une immense foule. Leur destin nous semble unique, mais il ne l’est pas.
Ce ne sont pas eux qui ont laissé leur nom dans l’histoire, alors même que c’est eux qui l’ont écrit.
Vous le notez, ce dernier tome a changé quelque chose : après l’avoir lu, on voit tout d’un coup la globalité de la saga des émigrants sous une toute autre lumière.
Nous avons vécu tellement de choses ensemble avec les immigrants, nous avons suivi chaque étape, nous avons souffert avec eux devant les obstacles, nous nous sommes réjouies de leurs succès. Et pourtant ce n’est qu’avec cet ultime tome que nous comprenons ce que nous venons de lire.
Le récit d’une vie, le récit de deux vies, intimement liées l’une à l’autre. Le récit d’un destin unique perdu dans l’océan de millions d’autres. Et pourtant, un destin qu’il faut retenir, qui compte, qui est grandiose et tragique à la fois.
C’est une fin en apothéose.
Malgré le fait que nous connaissions, en fait, la fin de la saga dès les premières pages, Vilhelm Moberg parvient néanmoins à nous surprendre avec ce récit et même sa fin.
Je me disais, en lisant le tome le précédent, que la saga s’achevait « enfin », avec un petit soulagement en ouvrant sur la première page du dernier livre.
Mais loin de s’éventer, le dernier livre nous livre tellement de rebondissements, et nous partageons des instants tellement tragiques que je peux dire que c’est, à mes yeux, le meilleur tome de la série.
Parvenir à un tel résultat est extraordinaire ! J’ai suivi un groupe de suédois, et plus particulièrement un jeune couple, comme si je suivais ma propre vie. Et pourtant je n’ai pas saisi, avant les dernières pages, ce que j’avais devant mes yeux.
Une histoire merveilleuse qui s’achève d’une façonextraordinaire. Grâce à ce dernier livre, je pense que la saga des émigrants restera gravée dans ma mémoire.
Sans « la dernière lettre au pays natal » j’aurais retenu une très belle histoire, une magnifique épopée. Mais là, l’histoire de ces hommes et femmes sont gravés au fond de moi, car c’est ma propre vie que je suis contrainte de voir sous un autre jour.