Avec Femmes de réconfort, esclaves sexuelles de l'armée japonaise, Jung Kyung-a livre une réalité historique bouleversante. Aboutissement d'un véritable travail de documentation, elle explique le contexte historique et la mise en place du système permettant "d'alimenter" les "maisons de réconfort".
Pour les personnes s'intéressant à l'histoire de la zone Pacifique, il s'agit d'un ouvrage très bien fait et plus facile à aborder qu'un livre d'histoire classique. La lecture de La route de Sampo de Hwang Sok-Yong avait déjà attisé ma curiosité et en voyant dans le catalogue des éditions Au diable Vauvert, ce manhwa, je me suis dit que ce serait une occasion d'en apprendre plus.
Le but est surtout d'informer, d'expliquer, pas d'accuser (d'ailleurs la préface et la note de l'auteure sont à lire). En reconstituant, les évènements historiques, les faits, il essaie davantage de comprendre comment et pourquoi des êtres humains ont pu agir ainsi. Si le style graphique peut ne pas attirer, il est parfait pour un sujet aussi grave. Le sujet doit être mis en valeur et certaines métaphores visuelles sont percutantes (ex. les baguettes japonaises plantées dans le crâne qui m'ont arrachées un cri de dégoût). Le livre est découpé en 3 chapitres relatant des évènements à travers le regard de 2 personnes différentes : Jan Ruff O'Herne, "femme de réconfort" d'origine néerlandaise et Aso Tetsuo, ancien médecin dans l'armée japonaise. Deux inserts mettent en lumière les différents termes existant avant "femmes de réconfort" ainsi que la violation des droit internationaux. À la fin, une bibliographie fournie présente de nombreux documents sur 3 thèmes différents : les 'femmes de réconfort' de l'armée japonaise, l'incident de Mandchourie et le massacre de Nankin ainsi que le rapport entre la guerre et les femmes. Il y a aussi une liste de sites internet dont certains ne sont pas disponibles en anglais.
La présentation du contexte géopolitique est intéressante et indispensable pour comprendre les tensions présentes dans cette zone. Je connaissais certains évènements comme la guerre russo-japonaise, guerre de Shanghai et la guerre sino-japonaise mais quand on voit la proximité chronologique des conflits, en plus de la forte présence japonaise, on comprend pourquoi et comment, il a été facile de mettre en place les "maisons de réconfort", petites soeurs des "Maisons culinaires". Ces structures étaient là pour éviter le viol des civils... Le viol pour empêcher le viol, n'est-ce pas ironique ? Les maladies vénériennes ont été finalement la punition des soldats. Certaines solutions ont rendu des femmes stériles et les médecins militaires, par principe, ne s'occupaient des problèmes que des militaires. Quant aux locaux, certains policiers coréens ont aidé les japonais à arracher des petites coréennes à leur famille et en Chine, certains établissements furent dirigés par des civils pour ne pas entâcher l'image de l'armée.
Cependant quand la guerre s'achève, rien n'est fini... Après la capitulation du Japon, les alliés débarquent et le gouvernement crée des 'maisons de réconfort' pour les forces alliées. Des japonaises de familles pauvres sont devenues des esclaves sexuelles... Pourquoi mettre de côté les bonnes vieilles habitudes... Cependant des voix se sont élevées pour parler de ces atrocités.
À la question pourquoi n'ont-elles pas parlé avant ? L'auteure nous répond 'Parce qu'elles ont été victimes de viol'. C'est vraiment horrible comme raison... La honte, la peur du rejet, les accusations les culpabilisant les ont forcées à se taire. Jung Kyung-a en profite pour nous parler du viol en Corée du Sud en nous disant qu'une victime à plus à perdre qu'à gagner en dénonçant ce qu'elle a vécu. Mais les lieux communs tels 'c'est la guerre, les hommes sont comme ça' ou 'Peut-être qu'elle l'a provoqué' existent aussi en Occident. Cette accusation de provocation n'est sans doute pas prête de changer : ici. Vous me direz que ce n'est pas en temps de guerre, que ça n'a rien à voir. Pourtant ce genre de comportement laisse clairement sous-entendre les dérives possibles en période de conflit. De là, on peut s'interroger sur le statut des femmes quand une guerre éclate. Celle de ces esclaves sexuelles n'avaient plus rien d'humain : 'marchandises' qu'on livrait plus rapidement que des moyens communications mais aussi 'nourriture' ou 'défouloir' des soldats dont la frustration liée aux brimades de leur supérieur rejaillissait.
Le livre de Jung Kyung-a se positionne dans une prise de conscience. Elle parle pour les coréennes mais pas seulement.
"Je dédie ce livre aux victimes du système des femmes de réconfort de l'armée impériale japonaise et à toutes celles qui souffrent à cause de la guerre dans le monde entier."
Pendant la seconde guerre mondiale, il y a eu des esclaves sexuelles en Allemagne. En Bosnie, la même chose est arrivée et peut-être que dans 10 ans, 20 ans, d'autres femmes de d'autres pays témoigneront... C'est juste un sentiment mais je n'ai pas l'impression que l'Homme apprenne réellement du passé.
Quelques liens/pistes intéressant(e)s :
• Dossier complet sur Femmes de réconfort
Femmes de réconfort par Jung Kyung-a
• Le musée en ligne sur les victimes de l'esclavage sexuel japonais
Hermuseum
• La maison du partage
Nanum
Film de Lu Chan sur le Massacre de Nankin : City of life and death (Nanjing, Nanjing)
50 years of silence, l'autobiographie de Jan Ruff O'Herne
Un lien récent, Radioasia.
La situation à Taiwan : Protesters demonstrate for Japan's ‘comfort women’
La situation aux Philippines : Still no justice for Philippines' 'comfort women'
Il y a toujours des intentions cachées dans les guerres. On se justifie toujours, mais en vérité, il n'y a que de la cupidité politique.
Le tome 2 portera sur le procès du Japon. Je pense que ce sera tout aussi enrichissant ! Je recommande vraiment ce livre à celles et ceux qui sont intéressés par la culture et l'histoire asiatique :) (et puis, c'est un format attractif, non ;) ? ) !
posté le 12 février à 03:31
et meme en afrique actuelle tres cher ! oui pour toute ses femme dans le monde entier sans exception pour toute ses femme victime otage des crime du mal