Chaque année, je me promets d'essayer de donner plus de place aux fictions françaises. Chaque année, cette résolution reste invariablement lettre morte. Pourtant, j'entends bien des échos intéressants du Village français et autre Fais pas ci, fais pas ça, qui me donneraient assez envie de trouver le temps de m'installer devant mon petit écran. Mais pour une raison ou pour une autre, je finis toujours par oublier et remettre à plus tard. Cependant il reste quand même une poignée de séries françaises auxquelles je suis fidèle.
C'est ainsi que vendredi soir dernier marquait le retour des aventures inédites de Nicolas le Floch, sur France 2, pour une saison 3 qui s'annonce tout aussi brève que savoureuse. Doublement inédite car il s'agit de la première saison où les scénarios ne sont pas basés sur les livres originaux de Jean-François Parot. D'ailleurs, pour évoquer tout cela, n'hésitez pas à aller regarder la vidéo de la rencontre avec l'équipe de la série sur Le Village. Toujours est-il que, attendue, la première aventure, La larme de Varsovie, aura tenu toutes ses promesses.
Cette première enquête plonge Nicolas dans les coulisses de la Cour, au sein de laquelle l'intrigant et excessivement mystérieux Comte de Saint-Germain, sur lequel mille et une rumeurs agitent Versailles, apparaît bien en grâce auprès de Louis XV, pour le plus grand agacement de certains de ses ennemis, dont le duc de Choiseul. Non seulement le Comte de Saint-Germain indique au roi l'emplacement secret où repose, depuis soixante ans, un magistrat dont le sort était entouré de mystère, mais il se propose également de raviver l'éclat de la "Larme de Varsovie", une perle que la reine tient de sa famille et qui semble se ternir chaque jour un peu plus. On raconte que si elle venait à s'éteindre, elle scellerait la fin de la lignée la détenant... Or, le Comte de Saint-Germain a tout juste le temps de se mettre à l'ouvrage que le précieux bijou lui est dérobé. Nicolas, chargé originellement de sa sécurité, enquête donc, tout en s'occupant de plusieurs homicides par strangulation qui semblent également liés à toute cette affaire aux premiers abords bien floue.
Adoptant les codes habituels de la série, on retrouve dans cette aventure tous les ingrédients qui font de Nicolas le Floch une série aussi aboutie que divertissante. L'intrigue débute avec un paradoxal excès de simplicité pour mieux se complexifier au fil de l'épisode, à mesure que viennent s'y greffer de nouveaux enjeux, plus ou moins obscurs, voire à la rationnalité discutable, et des protagonistes aux intérêts très divers. C'est d'ailleurs dans cette multiplicité de pistes qui finissent par toutes se rejoindre, s'assemblant en un puzzle finalement cohérent, que réside une des forces de l'épisode. Cette richesse du scénario dénote une réelle ambition narrative qu'il est nécessaire de souligner, tant elle s'assure de captiver l'intérêt d'un téléspectateur dont l'attention ne retombera jamais. L'ensemble est rythmé, les rebondissements soutenus. Si on aurait facilement pu s'égarer quelque peu en suivant Nicolas et son fidèle Burdeau dans cette intrigue à tiroirs multiples, la réussite de la construction narrative proposée est de ne jamais perdre de vue le fil rouge principal.
Assurément prenant par sa maîtrise d'un scénario complexe, l'épisode ne se départit pas de ses origines policières, tout en n'hésitant pas à tendre à l'occasion vers l'aventure de cape et d'épée. On retrouve ainsi ce cocktail des plus attrayants, déjà admirablement maîtrisé au cours de la saison 2. Flirtant avec une thématique résolument ésotérique, entre alchimie, société secrète et malédiction, sur fond de résurgence de la fameuse vengeance des Templiers (il y a quand même quelque chose d'assez fascinant dans la source narrative inépuisable que constitue cet ordre monastique), l'histoire ne nous épargne pas des sempiternelles querelles de personnes gangrénant la Cour, au cours desquelles les plus humbles apparaissent invariablement comme de simples pions à la disposition des puissants. Le téléspectateur se prend donc facilement au jeu de ces mystères, parfaitement portés à l'écran par une galerie de personnages des plus convaincante.
Il faut bien dire en effet que si l'ensemble fonctionne aussi, il le doit en partie à ses personnages, au dynamisme communicatif. Ce sont eux qui permettent aussi bien d'alterner les tons - offrant des passages plus légers - que d'insérer des ruptures opportunes dans la narration. Ils apportent une vitalité parfaitement symbolisée par un Nicolas le Floch, charismatique à souhait, dont l'assurance flirte à l'occasion avec une certaine arrogance qu'il assume par une prise de distance souvent désarmante. Il est impossible de ne pas apprécier le personnage. Pourtant la série ne se limite pas à sa seule figure centrale ; en effet, on retrouve à ses côtés des protagonistes, extrêmement différents les uns des autres, mais en un sens parfaitement complémentaires. C'est homogène et chacun apporte une pierre à l'édifice, à l'image d'un Sartine ambivalent, qui permet tout à la fois de rappeler - avec humeur - ses limites à Nicolas, tout en introduisant une imperceptible pointe de comédie.
Par ailleurs, même si c'est une constante, il est impossible de ne pas rappeler une nouvelle fois un élément incontournable sur lequel une bonne partie du charme de Nicolas le Floch repose : ses dialogues si finement ciselés, dont les tournures soignées sont un ravissement pour les oreilles, et qui rendent les échanges tellement savoureux. Cela apporte un plaisir supplémentaire à suivre l'ensemble.
Ce délicieux parfum de XVIIIe siècle qui flotte ainsi sur la série est cependant modérément confirmé sur la forme. Si les costumes - et les perruques - ne dépareillent pas, si la réalisation est également tout à fait correcte, tout reste cependant très propret, clair, offrant une reconstitution, certes par l'esprit, mais point par la photographie qui reste peut-être un peu trop neutre.
Enfin, il convient de saluer les performances du casting, conduit par un Jérôme Robart qui personnifie à merveille le charme, mais aussi les ambivalences, du héros. A ses côtés, nous retrouvons également Mathias Mlekuz, Camille de Pazzis, François Caron ou encore Vincent Winterhalter. Chacun maîtrise son registre, pour un résultat des plus convaincants.
Bilan : Mêlant les ingrédients de l'enquête policière à ceux de l'aventure de cape et d'épée, avec en toile de fond les soubressauts avant-coureurs du milieu du XVIIIe siècle, La larme de Varsovie propose une aventure enlevée, où les dialogues savoureux résonnent avec délice dans notre petit écran. Si l'affaire du jour semble parfois un peu alambiquée, l'histoire se suit de façon plaisante, d'autant plus que les personnages trouvent chacun leur place pour offrir une galerie aussi bariolée qu'équilibrée, portée par le dynamisme et l'aplomb sans faille d'un Nicolas le Floch toujours aussi charismatique.
Bref, ne boudons pas notre plaisir.
NOTE : 7,25/10
Le savoureux générique :
La bande-annonce de la saison 3 :