C’est une soirée devant la télévision qui m’a donné envie d’aller au Louvre. Patrice Chéreau parlait de son travail de metteur en scène, de réalisateur.
Au Louvre, la salle où sont exposées les œuvres qu’il a choisies est assez petite. On en fait le tour une fois, une seconde fois, et on se laisse accrocher par l’enchaînement de ce qu’on y voit. Un titre : Les visages et les corps. Et ce qui apparaît, c’est la peau, la chair, bien plus qu’un discours ou une suite de concepts. Courbet, avec le portrait de L’homme à la ceinture, fait sortir de l’obscurité le visage et les mains ; les photos de Nan Goldin exposent des épidermes avant, après l’amour ; la vieillesse, celle peinte par Géricault, celle d’un autoportrait de Bonnard, à la carnation grise ou rougissante ; la douleur, le plaisir, l’abandon, qu’il s’agisse d’un Christ mort sur les genoux de Marie ou d’une Vénus offerte à un Mars arrivant en armure. La peau est ce qu’on voit, la peau est ce qui touche, la peau rapproche ou sépare. « La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée. La plus nue, bien que d'une nudité décente. La plus dénuée aussi : il y a dans le visage une pauvreté essentielle ; la preuve est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance. » (Emmanuel Levinas, Ethique et infini, Fayard, 1982)
Dans un couloir, près de cette salle, des dessins de théâtre (décors de Patrice Chéreau lui-même ou de son décorateur Richard Peduzzi), des portraits dessinés par son père à l’hôpital de la Salpêtrière, des coupures de presse montrant des hommes et des femmes dans l’actualité mondiale, images qui font notre quotidien et que le metteur en scène garde parce qu’elles racontent beaucoup de la condition humaine. C'est Derrière les images, une façon d'entrer dans une intimité, un secret.
Cette visite donne l’occasion de traverser les salles du Musée, de s’arrêter devant une sculpture, une toile, de se laisser égarer et de chercher son chemin.