“Le Secret de Chanda” d’Oliver Schmitz

Publié le 05 décembre 2010 par Boustoune

En occident, les thérapies contre le SIDA ont évolué, la prévention a progressé (1). On a donc un peu oublié combien cette pandémie est un véritable fléau qui fait chaque année des millions de victimes de par le monde, surtout dans les pays en voie de développement et notamment en Afrique, où, dans certaines régions, près de 20 à 25% de la population est séropositive et où la propagation du virus n’est pas ou très mal contrôlée.

Le Secret de Chanda est là pour réveiller nos consciences endormies et nous alerter de certains problèmes annexes créés par cette maladie, comme l’exclusion dont souffrent les personnes séropositives et leurs proches.

Le film raconte les malheurs successifs frappant une famille qui vit dans un township près de Johannesburg et le combat de la jeune Chanda, douze ans (2), d’une part pour survivre dans cet environnement poussiéreux et socialement défavorisé, et d’autre part contre les préjugés imbéciles du voisinage.
Tout commence avec la mort de la petite soeur de Chanda, un nourrisson qui était mystérieusement malade depuis la naissance. Sa mère, Lilian, étant absolument dévastée par le chagrin, c’est la jeune fille qui doit s’occuper seule des démarches administratives pour les funérailles de sa soeur, et qui affronte son beau-père, un homme alcoolique, volage et violent, pour récupérer l’argent du ménage et payer l’enterrement du nourrisson.

Peu de temps après, c’est au tour de Lilian de se plaindre de violentes migraines et de douleurs articulaires. Et on apprend la mort du beau-père, probablement malade lui-aussi. Il ne fait aucun doute que cette famille est en train d’être dévastée par le SIDA. Or dans les pays d’Afrique subsaharienne, cette maladie est taboue. Du fait des croyances locales et des superstitions, la population y voit le signe d’un châtiment divin ou d’un sortilège maléfique. Etre contaminé par le virus est ressenti comme une honte par les malades et par leurs proches, qui font tout pour taire la situation.

Un jour, la mère de Chanda disparaît. On lui dit qu’elle est partie voir de la famille, dans son village natale, sans plus d’explications. L’adolescente se retrouve désemparée, livrée à elle-même.
La tentation pourrait être grande d’imiter son amie Esther, une orpheline du même âge qu’elle, qui trouve l’argent nécessaire à sa survie en se prostituant et risquer elle-aussi de se retrouver contaminée par le virus…
Mais la jeune fille a du caractère et du courage. Elle va lutter contre les préjugés et les superstitions, briser les tabous entourant la maladie et restaurer l’honneur de sa famille, en préservant pour elle-même une petite chance d’e survivre dans un univers fait de misère et d’obscurantisme…

On se dit, à la lecture de ce scénario, adaptation d’un roman d’Alex Stratton (3), qu’il aurait été facile de tomber dans le pathos, dans l’émotion facile, le mélo misérabiliste. Car la barque est particulièrement chargée : maladie, deuils, prostitution juvénile, alcoolisme, condition féminine,…
Mais il n’en est rien. Grâce à la mise en scène, sobre et pudique, d’Oliver Schmitz, déjà responsable du joli Hijack stories. Grâce, surtout, aux acteurs, et principalement à  la jeune Khomotso Manyaka, dont c’est pourtant la toute première apparition à l’écran. Elle est absolument magnifique et bouleversante dans ce rôle de jeune fille adulte avant l’heure, par la force des malheurs et des deuils.
Si le film est aussi touchant, c’est parce que l’on s’attache très rapidement à ce personnage courageux.

Evidemment, certains regretteront que le film – comme, probablement, le roman –soit aussi didactique, aussi archétypal.
Il faut bien reconnaître que l’oeuvre est construite de façon à mettre en exergue plusieurs problèmes de société en même temps, peut-être un peu trop, et qu’elle emprunte un chemin un peu trop balisé pour convaincre pleinement des spectateurs déjà sensibilisés à tous ces sujets.
Cela dit, il ne faut pas oublier que le roman ciblait un public adolescent qui, lui, n’a pas forcément connaissance de tous ces problèmes ou du moins ne s’en émeut pas.
Le film, de la même façon, saura probablement bouleverser les jeunes spectateurs qui pourront s’identifier à Chanda et éprouver de la compassion face à ses malheurs.

Par ailleurs, les films traitant du SIDA ne sont pas légion, et sont le plus souvent assez maladroits. Celui-ci traite du sujet avec finesse et nous alarme sur la façon dont l’épidémie progresse dans certains pays africains, à cause du silence entourant l’épidémie. La situation est plus que préoccupante : on estime le chiffre de nouvelles infections par le VIH à 2,5 millions/an dans le monde, dont 1,7 millions pour la seule Afrique subsaharienne. Vu la pauvreté de certaines régions, le peu d’accès aux moyens de prévention et les comportements parfois hasardeux de la population, le chiffre ne fait qu’augmenter d’année en année…

Enfin, le récit montre qu’en Afrique, les femmes sont souvent les principales victimes de la maladie. Elles contractent le virus soit suite à un viol, soit en s’adonnant à la prostitution – seul moyen pour certaines d’entre elles de gagner leur vie – soit suite aux infidélité de leurs époux, qui vont contracter le virus auprès d’autres femmes, sans le savoir, et contaminer leurs proches…

Aussi, Le Secret de Chanda apparaît comme une oeuvre nécessaire, qui rappelle aux états occidentaux la promesse qui a été faite à l’ONU de combattre, entre autres, les grandes épidémies mondiales, dont évidemment le SIDA.
C’est aussi une lueur d’espoir dans un monde de grande détresse sociale et d’injustice flagrante. Un message profondément humaniste qui invite à la solidarité et à la tolérance. C’est ce qui s’appelle un beau film…

(1) : Pour couper court à toute polémique, rappelons toutefois que le risque de contamination reste élevé, notamment chez certaines populations à risque, que les pays européens continuent d’enregistrer chaque année de nouveaux cas et que les traitements ne font que retarder l’évolution de la maladie mais ne la guérissent pas. Bref, qu’il faut rester vigilant.
(2) : Dans le roman, Chanda avait 16 ans, mais le cinéaste et sa scénariste voulaient raconter un passage brutal à l’âge adulte, et que, sur le terrain, ils se sont rendus compte que la plupart des sud-africains de cet âge ont perdu leur caractère enfantin.
(3) : “Le Secret de Chanda” d’Alex Stratton – éd.Bayard

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Le Secret de Chanda
Life above all

Réalisateur : Oliver Schmitz
Avec :  Khomotso Manyaka, Lerato Mvelase, Keaobaka Makanyane, Harriet Manamela, Aubrey Poolo
Origine : Afrique du Sud, Allemagne
Genre : mélodrame poignant, mais dénué de pathos
Durée : 1h46
Date de sortie France : 01/12/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Excessif

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