Retour sur les raisons de la crise irlandaise

Publié le 04 décembre 2010 par Boursomax
Gaëlle Copienne : Quel rôle ont joué les banques irlandaises dans cette situation ? Philippe Sabuco : La dynamique d'endettement s'est accompagnée d'un accroissement sans précédent de la taille des bilans bancaires en Irlande. L'économie irlandaise est particulièrement dépendante du système bancaire, du coup on a eu un accroissement de la taille du bilan qui a été multiplié par 5 entre 2000 et 2010 pour représenter aujourd'hui 11 fois le PIB nominal, alors que pour la zone euro il ne représente que 4 fois le PIB nominal.
Gaëlle Copienne : L'économie irlandaise est donc très fortement endettée et dépendante de son secteur financier ?
Philippe Sabuco : Exactement. On a parlé à une époque de l'hypertrophie du secteur financier en Irlande. Il y a un chiffre qui permet d'illustrer ce propos. c'est la part de la valeur ajoutée produite par le secteur financier en proportion du PIB. Elle s'élève à 10% dans le cas de l'Irlande, alors qu'elle ne représente que 5% dans la zone euro. Voila pour la première raison.
Gaëlle Copienne : Quel autre élément a conduit à une telle situation ?
Philippe Sabuco : Le deuxième élément, c'est la vulnérabilité du système bancaire irlandais. Les banques irlandaises sont particulièrement présentes et exposées au marché immobilier. C'est le cas en Irlande, principalement, mais également au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Par conséquent, le retournement du marché immobilier dans ces différents pays a particulièrement affecté leur activité.
Gaëlle Copienne : Mais les difficultés rencontrées par les banques irlandaises ne proviennent pas seulement de leurs actifs, n'est-ce pas ? Que peut-on dire du passif des banques ?
Philippe Sabuco : C'est vrai que c'est intéressant de regarder la structure du passif des banques irlandaises. D'abord on apprend qu'elles sont extrêmement dépendantes au marché interbancaire. Depuis la crise financière, notamment depuis la chute de Lehmann Brothers, on s'aperçoit que ce marché fonctionne mal, par conséquent c'est une difficulté pour les banques irlandaises. Le deuxième point, c'est leur ratio crédit sur dépôt qui est particulièrement élevé. Il s'élève, en Irlande, à 275%, alors qu'il n'est que de 180% dans la zone euro. Donc les banques irlandaises sont sensibles au risque de liquidité. Le deuxième risque auquel elles sont sensibles, c'est ce qu'on appelle le risque de transformation, qui lié au fait que les banques se refinancent à court terme et prêts à long terme. Or la part des refinancements à long terme dans le bilan des banques irlandaises est relativement modeste en proportion de leur bilan.
Gaëlle Copienne : On comprend mieux la situation actuelle, mais qu'en est-il de l'avenir de ce système bancaire irlandais ?
Philippe Sabuco : La période de convalescence promet d'être longue. Plusieurs éléments permettent de l'expliquer. D'abord une augmentation du coût des ressources, ensuite une baisse des volumes de crédits, et enfin une hausse importante du coût du risque. Ces éléments-là accompagnent aussi un processus de désendettement de l'économie irlandaise qui devrait avoir un impact assez négatif sur leur volume d'activité dans les prochaines années. A cela s'ajoute le fait que les banques irlandaises vont anticiper les nouvelles réglementations prudentielles, notamment dans le cadre de Bâle 3, et du volet liquidité de Bâle 3. Ce qui devrait les pousser à augmenter leur refinancement à long terme et donc, bien évidemment là encore, pénaliser leur marge d'intérêt. Dans l'ensemble, on pense que le système bancaire irlandais devrait peu à peu et très progressivement renouer avec le profit.

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