La Haine de Mathieu Kassovitz (1995)

Par Cyriltuloup


15 ans après, La Haine dépose toujours son pénible constat. En s’attaquant au système français, le film de Kassovitz réveille les générations via un cinéma perspicace. Vincent Cassel, fascinant en jeune de banlieue, mène avec brio ce procès verbal contre la police.



De nationalités différentes, les jeunes banlieusards partagent un point commun : Tous vivent entassés dans des immeubles délabrés. Il y a Vinz, le type qui rêve de tirer sur un flic pour venger son ami Adbel. Hubert, un jeune boxeur modéré qui deale occasionnellement du haschisch. Et Saĩd, un ado agacé par les forces de l’ordre. Le film s’étend sur une journée post-émeutes. Les conflits entre la sécurité et les jeunes sont soulignés dès les premières minutes, où on assiste à la dèche urbaine. Le film est orchestré par la temps, avec des passages où l’heure est précisée sur un fond noir. Ainsi, le dynamisme est planifié de manière à révéler l’isolement économique. Le chômage frappe les jeunes, « rejetés » par le système. Le fond politique est solide, et diaboliquement d’actualité. Avec le recul, on remarque que la France n’a pas vraiment progressée et que les problèmes ne sont toujours pas réglés. Et c’est là que réside toute la puissance de La Haine, un cinéma intemporel qui ne dépends que de nos politiques. Artistiquement, c’est une bouffée d’air frais. Entièrement en noir et blanc, le film es doté d’une mise en scène envoûtante bien qu’imparfaite. Mais quand l’œuvre s’avère aussi percutante, on ne chicane pas sur les plans.

Le réalisateur n’est pas tendre avec la police, mais ne prends pas pour autant partie. C’est avant tout un récit dualiste,  n’hésitant pas à accentuer les violences et sauvageries caractéristiques de l’homme. Un film ravageur, soulevé par un trio d’acteurs au sommet. Rien à redire sur Vincent Cassel, incarnant un homme incertain au tempérament violent, prêt à se dévouer à la vengeance. Hubert Coundé, le boxeur qui réussit à résonner ses potes, est moins crédible mais s’en sort finalement bien.  Saïd Taghmaoui brille dans la peau de son personnage révolté et déterminé. La Haine se distingue aussi de par ses références, comme à Taxi Driver lorsque Vinz, devant la glace, se demande : « C’est à moi que tu parles ?, C’est à moi que tu parles !? ». Il y aussi un clin d’œil à Scarface, avec l’affiche « Le monde est à nous ». Tous les ingrédients sont réunis pour bâtir un film rebelle, ne s’écartant jamais du cinéma pour tomber dans la propagande morale. Le final, tel un pincement au cœur, confirme la dimension spirituelle du spectacle. Jamais le carambolage entre l’ordre et la banlieue n’aura été aussi réaliste.