«Dans la tourmente d’une crise économique exceptionnelle qui a dévoilé l’avidité et l’imprévoyance du système financier
mondial, il y a un an, la 15ème Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur les Changements Climatiques, à Copenhague, avait mobilisé les citoyens et suscité l’espoir.
Le sommet de Copenhague, malgré certaines avancées, n’a été ni à la hauteur ni de ces attentes, ni des défis environnementaux
du XXI e siècle.
A Cancun, plus que jamais, l’Europe et le monde doivent faire preuve de volontarisme dans la lutte contre les changements
climatiques. C’est probablement la plus grave menace à laquelle notre génération ait à faire face. Elle doit désormais inspirer notre politique étrangère et le modèle de développement que nous
devons promouvoir. L’Europe a besoin de leaders comprenant tous ces défis et pouvant les relever.
Nous attendons de nos gouvernements des avancées dans quatre secteurs clés.
Tout d’abord, dans la recherche d’un accord sur les financements. Ce volet est incontournable afin d’aider les pays et les
populations les plus vulnérables dans l’adaptation et l’atténuation aux changements climatiques. Nous devons, dès que possible, lever les 30 milliards du fonds Fast Start - 7,2 milliards d'euros
pour l’Union Européenne - promis à Copenhague. En tenant nos promesses au plus tôt, nous pouvons faire passer un message fort aux pays en développement.
Nous devons aussi regarder plus loin que 2012, et travailler à la mise en place d’un financement de long terme. Les Nations
Unies ont répertorié des sources financières potentielles, afin d’abonder le Fonds des 100 milliards de dollars promis à Copenhague. Nous devons avancer sur cette question lors du sommet de
Cancun. Nos gouvernements doivent être clairs. Le financement privé à lui seul n’est pas une solution crédible – la mobilisation de fonds publics est nécessaire.
Par ailleurs, il faut engager la deuxième phase du protocole de Kyoto, qui appelle les pays développés à réduire leurs
émissions, et le plus rapidement possible. Il est essentiel de continuer à évoluer dans l’enceinte multilatérale que représente la Convention des Nations Unies sur le Climat. Le processus se
heurte à de sérieuses difficultés et des Etats freinent toute progression. Mais le cadre de l’ONU est le seul, à ce jour, qui puisse mobiliser les pays les plus vulnérables aux changements
climatiques et faire pression sur les pays les plus émetteurs. La conférence de Nagoya nous a donné la preuve de la pertinence de ce cadre Onusien, en attendant une Organisation Mondiale de
l’Environnement. À Cancun, il faut que les avancées sectorielles, même modestes, en matière de protection des forêts, de financements, et de transparence sur les politiques conduites, préparent
la voie de l’accord global contraignant dont le monde a besoin.
Enfin, au sein de l’Union, nous avons besoin d’un fort leadership. Etre à la hauteur du défi que représente le changement
climatique ne se limite pas à éviter un désastre. Nous n’atteindrons pas les objectifs sans substituer au système productif actuel un nouveau modèle développement. C’est une vision globale et
affirmée de l’avenir que les responsables politiques doivent porter. A Cancun, nous voulons retrouver l’Europe de Kyoto ! L’Union européenne doit d’abord s’engager pour elle-même et annoncer
qu’elle réduira d’au moins 30% ses émissions domestiques de CO2 d’ici 2020, unilatéralement et sans conditions.
Nous, sociaux-démocrates européens, appelons encore une fois l’Europe à construire une nouvelle étape et à jeter les bases de
son développement à long terme. Aujourd’hui la plupart des grands pays réfléchissent de manière prospective à une économie sobre en carbone et prennent des initiatives parfois
spectaculaires.
L’Europe, après plus de dix ans d’efforts, ne doit pas se laisser distancer. Se contenter de l’objectif de réduction de 20 %
des émissions signifierait renoncer à faire partie des économies innovantes de demain. Dans le contexte de crise que nous connaissons, cet objectif ne crée aucune incitation à transformer
l’économie européenne, ne donne aucune visibilité sur le cadre politique qui orientera les investissements nécessaires à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables. Son impact sera
insuffisant pour inciter les acteurs économiques à modifier leurs comportements. Or, c’est une vision à long terme que l’Europe doit incarner. L’objectif de 30 % a minima en 2020, comme l’a noté
le Parlement européen, est une cible intermédiaire obligée si l’Europe veut tenir ses engagements et réduire ses émissions d’au moins 80 % d’ici 2050. Il faut inscrire la première étape dans une
trajectoire ambitieuse, qui dessine l’avenir économique pour les cinquante années à venir.
Pour redonner aux peuples européens, tentés par les replis populistes et nationalistes, le goût de l’Europe, nous avons
besoin d’un nouveau projet commun, articulé autour de trois piliers : l’investissement durable et solidaire pour l’emploi, la démocratie et la transition environnementale.
C’est le projet du XXIème siècle que les sociaux-démocrates et les socialistes portent pour les Européens.»
Poul Nyrup Rasmussen, Président du Parti des Socialistes Européens