Chronique // Fumuj - Drop a Three

Comment un concert peut-il être accessible aux personnes sourdes et malentendantes ? Vous vous êtes peut-être déjà posé la question… Et bien, vous n’êtes pas le seul. Originaire de Tours, le groupe FUMUJ s’est penché sur le sujet et a décidé d’organiser des concerts à la fois auditifs et tactiles. Ainsi, ils ouvrent les portes de leur univers à un nouveau public avide de sensations musicales.
Formé en 2003, FUMUJ compte déjà 3 albums à leur actif. Les 2 premiers (Monstrueuse Normalité et The Robot and The Chinese Shrimp) ont démontré avec brio tout le potentiel de cette jeune formation. Fusion de Hip Hop, d’électro et de rock, leur musique apparaît comme un cocktail détonnant. Pour faire simple, imaginez une collaboration entre les Daft Punk, Dr Dré et Rage Against the Machine…
En 2010, les 5 camarades récidivent et viennent de sortir Drop a Three, sans aucun doute le plus abouti des 3 albums. Une fois le CD chargé dans votre platine, votre tête hochera naturellement comme emportée par les rythmes endiablés. Au fil des pistes, vous serez surement attiré par le groove étonnant de Supersperm, selon moi le meilleur titre de l’opus. Le combo sait également affirmer son côté rock avec une certaine aisance, les titres Release the Beast ou encore Hurt and Hugs sont là pour en témoigner. A vrai dire, cet album est tout simplement surprenant. Mais le meilleur, si j’ose dire, reste à venir…
Après avoir compris que l’accès à la culture est un droit fondamental pour tous, les membres du groupe ont eu envie de briser la barrière du silence et ainsi partager leurs créations avec des personnes sourdes et malentendantes. Une opération à la fois osée et particulièrement altruiste. Bilan de cette réflexion : leurs concerts, lieux habituels de sensations auditives, vont se muer en véritables palais des sens.
Outre le flot de décibels délivré avec allant, les 5 camarades ont mis en place des dispositifs sensoriels inédits permettant au public de capter les vibrations. C’est par somesthésie, c’est-à-dire par le corps, que les spectateurs vont s’imprégner des rythmes. Pour cela, des récepteurs sensoriels ainsi que 2 énormes cheminées gonflables sont mis à la disposition de l’auditoire, qui peut alors « toucher » la musique. L’aspect visuel a également suscité une attention particulière : une vidéo interactive et une batterie lumineuse, créées spécifiquement pour le spectacle, permettent aux témoins de contempler précisément ce que joue le groupe. Enfin, pour s’adresser à la foule, les membres du groupe utilisent le langage des signes. Le pari peut sembler audacieux, mais le résultat est tout à fait stupéfiant.
Ce véritable arsenal fait de FUMUJ un groupe innovant, et surtout conscient des progrès qu’il reste à faire en matière de handicap. Espérons qu’ils susciteront quelques vocations… En tout cas, « chapeau » FUMUJ !