Il peut être fécond et libérateur de m'attarder quelque temps sur l'incertitude fondamentale que je ressens et considérer la précarité de l'existence qui se rappelle sans cesse à moi. Ainsi, la nouvelle d'une catastrophe à l'autre bout de la terre me place devant la fragilité de ma condition. C'est elle que l'on tente d'oublier au cœur du divertissement. Pour la dissimuler, certains en viendraient presque à traverser les océans. Comble du paradoxe ! Que faire de la faiblesse logée au cœur de notre vie ?
Ces manies et le reste, bref le chaos qui peut agiter un cœur, ne font qu'accroitre le sentiment aigu de notre vulnérabilité. Le refouler, le nier, c'est se priver d'une heureuse cohabitation avec l'incertitude. Alors, au lieu de fourbir des armes, de construire maintes carapaces, l'œuvre d'une vie pourrait s'épanouir sur d'autres chantiers : trouver la paix dans l'insécurité, la découvrir dans les hauts et les bas du quotidien. Cette paix comme la joie inconditionnelle ne s'obtiennent pas ailleurs, dans un monde parfait, mais ici, en pleine difficulté, dans le doute, avec les blessures. Oui, de notre fragilité, contre toute attente, peuvent naître des ressources inouïes. Et la vraie force revient à s'appuyer sur la précarité pour aller, sans bagage et sans armure, nu sur les chemins de l'existence.Alexandre Jollien (La Vie _ novembre 2010)