Il y a quelque chose qui me frappe chez ce personnage fantasque de Suzan : C'est la graine de tragédie qu'elle sème partout où elle passe. C'est le délire et l'anomalie.
Suzan incarne la tempête et le raz-de-marée. Suzan, c'est la déesse oubliée.
C'est Héra la trompée, la bafouée, la cruelle. C'est la mère-lionne, qui montre les dents, qui frappe et qui déchire.C'est l'excès divin incarné.
Antigone
Il y a quelque chose de terriblement puissant dans ce personnage de Suzan.Une irrésistible candeur parfois et une désarmante franchise. Quelque chose de plus résolu que toute résolution officielle des États du monde, une distinction marquée par l'arrogance de la différence.
Suzan, c'est l'eau qui dort. C'est l'acte terroriste quotidien. Mais c'est surtout l'impératif de l'action, la nécessité du cri.
Suzan est la roue du destin qui tourne, dans sa drôlerie et son horreur.C'est la femme plus grande que nature, plus sensible et plus dense, plus bonne et plus méchante.C'est la nature douce et la nature sauvage.
Certaines héroïnes tragiques me rappellent Suzan. Je pense à Antigone, l'inflexible. Celle dont la résolution de défendre la sépulture de son frère la mène au cachot.Je pense à Hermione la sauvage. La femme trompée. L'amoureuse qui cherche vengeance.Celle qui fera tout pour "faire payer à Robahir, qui le fera ch..suer jusqu'au bout!"Je pense à Bérénice, la femme délaissée et repoussée, celle de l'amour impossible, celle qui pleure et qui lève les bras au ciel.Puis, je pense à Clytemnestre. La mère, la lionne, qui fait face au sacrifice, au danger qui guette sa fille Iphigénie. Suzan qui fera tout pour protéger son fils Piayeluc.
Bérénice
Les phrases de ses femmes seraient des phrases vraies dans la bouche de Suzan.Parce que Suzan vit plus que quiconque les bonheurs et les malheurs de sa vie. Il y a donc tout chez Suzan pour écrire une tragédie.Parce que peut-être est-elle après tout une martyre ou une sainte maltraitée !Mais il n'en tient qu'à nous d'en rire ou d'en pleurer. Parce que Suzan est aussi un personnage comique !C'est un look pas possible, David Bowie en femme !
Lubrique, salace même, grande et déglinguée, elle est aussi très proche du Pantalon italien, ce personnage avare et pervers, coquin et paranoïaque de la Commedia dell'arte.
Lui qui s'imagine que les pires machinations sont montées contre lui, lui qui gratte chaque sous, lui qui accorde une valeur démesurée à chaque chose.
"Attention là, c'te cadrrre là est en ferrrr forrrrgé, c'est la grand-mère de ma mère qui l'avait fait faire exprrrrrès pour les noces de matante Jocelyne. Je te la prrrrête, mais y'a un lastikkk après. Ça vaut trrrès cherrr !"
Quoi qu'il en soit, j'encense Postule pour ses chroniques de Suzanneries. Elles sont riches de vie.
Elles me convainquent que rares sont ceux qui, comme Suzan, vivent avec autant de fougue leur quotidien et font autant de vagues dans le voisinage ! Pour le meilleur et pour le pire, n'est-ce pas Piayeluc ?
Voyez aussi ce classique, une oeuvre d'épicerie de Suzan qui vous déridera sûrement !