Un navire peut-il avancer contre le vent avec la seule force du vent ?
Oui ! Et je le prouve :
On considère ici un navire qui porte une éolienne. La puissance récupérée par cette éolienne va servir à activer une hélice (sous l'eau) qui va propulser le navire... contre le vent ! A première vue, c'est une idée complètement loufoque : ça ressemble à un mouvement perpétuel... Mais en fait ce n'en est pas un, car le bateau se situe à l'interface entre deux fluides, l'air et l'eau, qui sont animés d'un mouvement relatif (le vent). Et on peut réellement exploiter ce mouvement relatif pour faire avancer un navire par rapport à l'eau. Oui, ça marche ! Bien des conneries ont été écrites sur le sujet, y compris sur internet. Ce qui est impossible par contre, c'est de faire avancer un sous-marin contre le courant avec la force du courant, ou un avion contre le vent, avec la seule force du vent.Mais un navire, posé sur l'eau, peut réellement aller contre le vent en exploitant la seule énergie éolienne. En voici la preuve :
Soit w la vitesse du vent, et v la vitesse du navire. Choisissons v > 0 (on oriente l'axe des x dans le sens de la marche du navire)
Si le système est dynamiquement stable, c'est à dire si le navire vogue à vitesse constante, il faut que la résultante des forces qui s'exercent dessus soit nulle. Négligeons pour le moment la résistance de l'eau sur la coque (qui freine le navire, mais n'empêche pas son mouvement), et la traînée aérodynamique due aux oeuvres mortes du bateau (c'est à dire tout ce qui sort de l'eau, sauf les pales de l'éolienne). Les forces qui s'appliquent sur le navire sont :
- la force propulsive de l'hélice (de signe positif) : appelons là Fp
- la traînée induite par les pales de l'éolienne (de signe négatif) : appelons là Fe
Maintenant, soit Pw la puissance récupérée par l'éolienne, et Pp la puissance transmise dans l'eau par l'hélice propulsive. Puisque le navire les mû par l'éolienne, on a :
Pp = r . Pw (2) avec r le coefficient de rendement du système (inférieur à 1, bien sur).
Maintenant, une puissance, c'est un travail par unité de temps, et un travail, c'est une force multipliée par un déplacement. Quant à un déplacement par unité de temps, c'est une vitesse. Finalement, la puissance Pp transmise dans l'eau par l'hélice est liée à la poussée Fp de cette hélice et à la vitesse du navire par :
Pp = Fp . v (3)
De même la puissance récupérée par l'éolienne dépend de la force exercée dessus par le vent. Mais attention, il s'agit du vent relatif, c'est à dire le vent subi par l'éolienne, c'est à dire encore la différence entre la vitesse du vent par rapport à l'eau (-w, car le vent est contre nous), et la vitesse du navire par rapport à l'eau (+v). Finalement,
Pw = Fe (v+w) (4)
Nous avons maintenant tout ce qu'il faut pour terminer le calcul : partons de l'équation (2) et remplaçons Pp et Pw par leurs valeurs trouvées ci-dessus, en tenant compte de Fe = -Fp :
Fp . v = -r . Fp . (v+w)
Les "Fp" s'éliminent magiquement et l'on obtient :
v = - w . r / (1- r)
La vitesse du bateau est donc proportionnelle à celle du vent, et à une expression qui dépend du rendement du système propulsif. Dès que le rendement dépasse 50%, le navire avance plus vite que le vent. Pour un rendement de 80%, le navire avance à quatre fois la vitesse du vent, et contre ce vent !
Bien sûr dans ce calcul on a négligé la résistance de l'eau et la traînée aérodynamique des superstructures du navire. Cependant ces éléments peuvent être pris en compte dans le rendement (r), qui est bien sûr inférieur à 1.
Naturellement ce qui est valable pour un bateau s'applique également à un mobile terreestre genre char à voile.
Et dans le sens du vent ?
Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, il est aussi possible d'aller plus vite que le vent, en partant cette fois ci vent arrière. Il suffit d'inverser le pas d'une des deux hélices (aérienne ou éolienne). Cette fois, ci, la cinématique est inversée : Cette fois c'est l'hélice hydraulique qui fournit la puissance, et qui aide l'éolienne à accélérer le bateau dans le sens du vent. La même formule s'applique pour calculer la vitesse finale , au signe près : v = w . r / (1 - r)Autrement dit, il est possible (dès que le rendement r dépasse 50%) d'aller plus vite que le vent en allant dans le sens du vent arrière ! Les anglais appellent cela "go downwind faster than the wind" ou DWFTTW.
Pour expliquer ce résultat en apparence paradoxal, il faut se souvenir que le mobile (le bateau, ou char à voile, etc) n'est pas immergé dans un seul milieu, mais se trouve à l'interface entre deux milieux (l'air et l'eau pour un bateau, ou l'air et le sol dans le cas d'un char à voile). Ces deux milieux sont en mouvement l'un par rapport à l'autre, et un mobile situé entre les deux peut commencer sa course en étant "solidaire" de l'un ou de l'autre, puis exploiter l'énergie colossale qui naît de la "friction" entre ces deux milieux pour se déplacer à sa guise dans un sens ou l'autre.
90% des gens pensent que se déplacer dans le sens du vent plus vite que le vent est impossible sans source d'énergie externe, et parmis les 10% restant 99% n'arrivent pas à comprendre comment ce serait possible. Je vais donc essayer de vous prouver le contraire.
Prenons le cas d'un char à éolienne, se déplaçant dans le sens du vent et contre le vent. Supposons par exemple que la vitesse du vent soit de 20 m/s et que le véhicule aille à 25 m/s dans le sens du vent (OK, vous allez me dire : c'est impossible : mais supposons : c'est d'ailleurs possible temporairement si le vent chute brusquement à 20 m/s alors qu'il était bien plus élevé auparavant) .
Le vent relatif ressenti par le véhicule est donc de 5 m/s, et il bien sûr il tend à le freiner. Supposons en outre que les roues du char contiennent un générateur éléctrique qui créee une force de freinage supplémentaire de 100 Newton (10 Kg-force environ). Le système n'est absolument pas en équilibre dynamique, me direz vous, mais attendez. La Puissance électrique générée par ce générateur peut se calculer simplement (en supposant un rendement parfait) :
100 N x 25 m/s = 2 500 N.m.s-1 = 2500 W.
Maintenant si nous voulons que le système soit en équilibre dynamique nous devons faire en sorte que l'éolienne pousse le véhicule avec une force de 100 Newton (N), pour compenser la "trainée" induite par le générateur sur les roues. Or l'éolienne agit sur le vent relatif qui est de 5 m/s. Donc pour créer une poussée de 100 N, nous avons seulement besoin d'une puissance de 100 x 5 = 500 W. Autrement dit, il reste 2000 W disponibles pour accélerer encore le véhicule. Ça y est, vous avez compris ?
Page créée le 13/12/2007 - dernière mise à jour le 3/12/2010.