En marge des débats sur les DRM (avec ma petite contribution, puisque Le Vaisseau ardent a servi d’exemple à la démonstration de leur inefficacité – je n’en souhaitais pas), ou sur le prix des éditions numériques (voir ici et là les analyses sur la répercussion de la part revenant à l’auteur), je m’interroge sur les freins à la lecture numérique.
Or me voilà bien peu qualifié pour présenter mes idées, puisque mon expérience est très limitée en la matière : je n’ai pas de liseuse (ou eBook, si vous voulez).
Et pourquoi ? Je m’y suis intéressé dès l’an 2000 (photo)… Je passe mes journées le nez pointé vers deux écrans d’ordinateur, et mes nuits vers celui de mon portable. Si je lis volontiers des news, je n’arrive pas à me lancer dans la lecture d’un livre. Peut-être, justement, parce que ce n’est pas un livre, mais un texte sur écran. Cette remarque ne dévalue en rien le texte (qu’il soit imprimé ou lu ne lui confère pas plus de noblesse), mais caractérise son support : l’écran et sa machinerie.
Quand j’ouvre un livre imprimé, j’ai un contact physique et sensoriel avec l’objet (voir aussi ceci). Peu importe son contenu, je ne parle ici que de son contenant. Je renifle les livres de poche et cette odeur d’encre et de papier me ramène à mes premières lectures, celles qui ont conditionné le plaisir associé à la promesse de lecture… J’ai reniflé mon iPhone (je sais, c’est petit), sur lequel j’ai lu quelques nouvelles. Bof.
Côté liseuses (je ne les ai pas toutes essayées, mais j’ai bien regardé…), l’expérience ne me semble pas plus concluante. À peu d’exceptions près (et ceci n’est qu’une formule), leur design relève de la calculatrice de supermarché, leur interface me rappelle le Minitel. Qui tient sa liseuse éteinte en savourant d’avance ce moment intime de retrait du monde qu’est une lecture ?
En disant cela, je me souviens des premiers iMac (les colorés). Lorsque je suis allé les voir en boutique, j’ai reculé pour jouir du spectacle des curieux : tout le monde souriait. C’était la première fois que je voyais tant de gens sourire en regardant un outil. Moi qui garde à portée de main des livres que je n’ai pas relus depuis trente ans, mais qui me sont nécessaires, ce sourire m’a parlé.
L’iPad a ce côté « magique » (pour reprendre le premier axe publicitaire d’Apple) : c’est un bien bel objet, qui fait liseuse (on passera vite fait sur le fait que le logiciel de lecture d’Apple ne sache pas gérer les DRM de chez Adobe – j’utilise Bluefire pour passer outre cette limitation). Et c’est bien là que le bât blesse (pour moi). Je souhaite un contact privilégié avec ma liseuse, qui soit synonyme de lecture (de plaisir). Or les tablettes sont des terminaux de consultation réellement multimédia : du texte, certes, mais aussi : blogs, réseaux sociaux, forums, galeries photos, clips, vidéos et télé… J’ai déjà ce tic détestable (mais bien agréable) de fureter sur la toile dès que le besoin d’une pause se faire sentir (souvent, pas longtemps, mais souvent). J’ai peur de céder aux sirènes d’une consommation passive – quand je lis un livre imprimé, à chaque page tournée ou fin de chapitre, mon attention se détache du texte pour y revenir. Cette pause fait partie intégrante de la lecture, elle me permet d’assimiler, de savourer… Je souhaite ne pas être sollicité, que ma liseuse ne m’incite pas à m’extraire du texte… Bref, la tablette fait aussi liseuse, ce qui convient à d'autres, mais pas à moi…
Alors, en attendant de succomber aux charmes de la prochaine génération de tablette (sérieusement, je ne vois pas d’annoncé de meilleur support dédié), je me dis que je devrais craquer pour une « stricte » liseuse… Or là, je tombe des nues. Que c’est cher pour tenter l’expérience ! Car si j’envisage le budget (il faut bien garder des sous pour acheter les éditions numériques), c’est de 20 à 30 livres de poche que je ne lirais pas… Juste pour voir ?
Bref, je passe mon tour. Pas de liseuse pour moi à Noël…