Diable, l’ami Juan file un mauvais coton ! J’avoue que devant une telle perspective, il y a de quoi tresser la chevelure à un chauve. Vivement l’arrivée de DSK, grâce à qui les réactionnaires de tout poil n’auront plus à supporter une minute de plus nos logorrhées !
Juan dresse ensuite la liste de tous les compulsifs de la blogosphère devant « raccrocher » ou se trouver « d’autres sujets de divagation », car sans Sarko au pouvoir la vie n’aura plus cette saveur frondeuse que le locataire de Élysée déclenche automatiquement à chacun de ses tics. Désastreusement pessimiste, la réflexion de Juan a le mérite de poser le doigt là où ça grattouille. Bien que, franchement, je ne sache pas le temps que durera mon activité blogosphérique, je m’empresse de souligner qu’elle n’est pas sujette à l’existence ou non de Nicolas Sarkozy. Quand une fenêtre se ferme, combien d’autres sont encore ouvertes dans le vaste chantier de la vie ?… Et Sarko pour moi est une toute petite fenêtre. Une meurtrière de château fort en quelque sorte.
Parmi les blogueurs invités à se chercher d’autres « pôles d’intérêt », l’ami Juan cite Ruminances. Abordé sous cet angle seul, son commentaire sent le requiem à des pixels à la ronde. Heureusement, le champ de curiosité de l’individu ruminant ne s’arrêtant pas aux seules talonnettes de Mínimus, ni davantage au tabouret qu’il s’est fait confectionner pour se hisser à hauteur de Mirador, j’ai la faiblesse de penser que la vie après Sarko -- et avant son peut-être successeur en 2012 -- est une réalité que j’envisage de manière assez sereine. Ayant hérité d’un certain sens pratique, j’ai pris l’habitude de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier.
Mais puisque la question est posée, ne peut-on envisager l’avenir du blogueur différemment ? Qui nous dit que, dans 18 mois, ce sera DSK le prochain locataire du Château ? Dans cette course effrénée au sésame les obstacles sont nombreux, ne parlons pas des amis qui vous veulent du bien… Qui dit que la gauche, ou ce que l’on désigne comme telle, est vraiment ce que certains pensent qu’elle est ? A-t-elle vraiment envie de mettre le bleu de chauffe pour descendre au fond de la mine ? Qui peut savoir la raison qui pousse le citoyen à créer un blog et à engager une réflexion politique sur le milieu dans lequel il vit, en axant sa démarche sur le seul Nicolas Sarkozy et non sur un projet personnel plus global, plus intime, plus humain, plus poétique aussi ?…
Pourquoi un blog ?… Pourquoi nous bloguons ?… Qui peut avancer le début d’une réponse ?… Il y a un outil et l’usage qu’on en fait. Si la réponse ne devait se limiter qu’à Sarko, à titre personnel, je n’aurais jamais mis un pied dans un blog et encore moins m’investir dans une aventure telle celle de Ruminances dont la diversité donne déjà une idée de ce que peut être l’avenir culturel et politique d’un blog tel que nous le pensons. Dire mon opinion, dénoncer un scandale, pointer une magouille, crier à l’injustice ou à l’horreur d’un système que j’agonis, c’est un peu ce que je fais, sans grand résultat, depuis un certain nombre d’années et, que je sache, cela ne prendra pas fin avec le départ de Sarko, même si ce jour-là j’éprouverai certainement un grand plaisir à le regarder partir, comme jadis avec Giscard d’Estaing.
Considérant Sarko comme un être dangereux, tant qu’il sera au pouvoir -- lui où n’importe qui d’autre susceptible de représenter ce que je pense être un danger pour la démocratie -- je ferai ce qui est en mon pouvoir pour le mettre hors d’état de nuire.
Est-ce ce carburant qui me pousse à bloguer ? Absolument pas. Un livre, un film, un bon morceau de musique, une pièce de théâtre, un ciel qui s’ouvre sous l’orage, un corsage qu’on dégrafe, une onde qu’on épouse, sont des fenêtres ouvertes pour partager la vie au-delà de l’anecdote.