Parler Minustah à une population qui comprend le créole

Publié le 03 décembre 2010 par Badiejf
Je ne suis pas du tout spécialiste des communications, mais j'avoue que depuis quelques semaines, l'idée d'envoyer mon CV à la Minustah m'a effleuré l'esprit (preuve irréfutable que j'ai de l'esprit). Comment, par exemple, gérer plus malhabilement les communications publiques que dans le dossier du choléra ? Imaginez-vous avec votre timoun de 4 ans dans une verrerie. Vous êtes au comptoir en train de payer et pendant que la caissière grille votre carte de crédit, une bonne centaine de flutes de champagne s'allongent bruyamment sur le plancher, juste au pied du timoun. Personne d'autres dans le magasin et il ne semble pas que bagay la ait refait des siennes. Vous ne croirez certainement pas le petit 'pa fot mwen' (pas de ma faute) qui sortira tout doucement de la bouche coincée de votre héritier. Mem bagay avec le choléra. Tout pointe vers la Minustah, ça ne prouve rien c'est vrai, mais disons que ça regarde mal ! Au plan de la perception publique du moins. La maladie se déclare chez des riverains qui vivent juste en amont d'un camp de la Minustah (riverain lui aussi) où des soldats Népalais sont installés depuis une dizaine de jours. Le microbe est de cette région de la planète et, comme par hasard, le Népal est un pays où la maladie est endémique, proche de l'alerte épidémique selon un rapport de l'OMS du mois d'août dernier…. Je me répète, mais ça regarde mal. Donc au lieu de calmer le jeu, les spécialistes des communications de nos amis des UN se sont mis tout de suite à crier sur tous les toits 'pa fot nou' (pas de notre faute), en langage plus diplomatique bien évidement. Il y a quelques jours à la radio, le grand patron de la Minustah a reconnu que 'peut-être que peut-être' il restait 'peut-être' une hypothèse faible (mais très très faible) que ce serait 'peut-être' des soldats de la Minustah qui avaient apporté cette bibitte en Ayiti. Mais si c'était le cas, c'est très peu probable mais quand même, ils ne l'auraient pas fait exprès… !! On est ébahi… Imaginez si le chef de la Minustah avait pris le micro dans les premières minutes pour dire : On prend ça au sérieux, des équipes de scientifiques vont étudier la question et produiront un rapport, on fait tout ce qu'il faut pour nettoyer cette base et vérifier/nettoyer toutes les autres et, surtout, on rend disponible des équipes et du matériel pour organiser les soins. Merci madame, mais le département des plaintes étudie actuellement la question et d'ici à ce que la réponse soit disponible, voici ce que l'on vous offre pour atténuer les inconvénients. Le deuxième dossier de communication à revoir est celui des élections. On ne peut pas continuer à se promener de poste de radio en poste de radio pour répéter qu'on n'a jamais vu de belles élections comme ça en Ayiti. Que oui, il y a eu quelques petits problèmes techniques, mais que sur le fond, 'tout bagay anfom' (tout va bien). C'est la déprime démocratique généralisée, le festival du n'importe quoi démagogique, la crise politique est sur le bord d'être sur le bord !!! Au plan de la crédibilité, disons que ça ne frappe pas très fort et que ça rappelle à la population haïtienne que même si on vit sur la même bout de terre, on ne vit pas dans le même monde. Finalement, il y a cette déclaration d'hier : Si ça continue à ne pas bien aller, on s'en va !! Le genre de proposition que tu n'es mieux de pas répéter deux fois, disons que tu pourrais donner des idées à certaines personnes. La grogne contre la Minustah est la façon la plus facile d'instrumentaliser la violence dans ce pays où l'insatisfaction se dissémine plus efficacement que le choléra. Comment en arrivent-ils à offrir à ceux qui sont capables de mobiliser ces frustrations, une occasion supplémentaires de sortir dans les rues et de tout détruire ? Les violences des dernières semaines contre les casques bleus ont touchées presque toutes les principales villes depuis depuis deux semaines : le Cap-Haïtien,Ouanaminthe, Hinche, Mirebalais, St-Marc, les Gonaïves, Jacmel, Port-au-Prince. Je leur envois mon CV !!