Bon, "malheureusement" est un terme un peu fort au regard des maigres tares qui diminuent l'excellence de ce manga : son rythme délirant plombé en pleine course par des flashbacks et des intrigues secondaires pas toujours captivantes et la confusion de certains dessins de Yûsuke Murata, dessinateur pourtant capable de rendre les séquences sur le terrain particulièrement fulgurantes et les idées comiques de son compère Riichirô Inagaki fréquemment hilarantes. Car la particularité d'Aishiirudo Nijuu Ichi est d'être majoritairement voué à l'humour, et cette posture est bien plus importante que sa maîtrise des attentes du genre (adversaires toujours plus doués, progression du héros, faits instructifs quant au domaine exploré...).
Deux choses pour cela : le postulat de départ, qui veut que Sena, le chétif champion en devenir du ballon ovale (sa vitesse est prodigieuse), masque son identité, des choix scénaristiques qui fuient le réalisme à grandes enjambées (les entraînements sont pour le moins dingues) et surtout une galerie de personnages foutraque, quel que soit le bord de ceux-ci. D'Hiruma, qui tyrannise l'équipe des Deimon Devil Bats (où joue Sena), tacticien aussi dangereux que manipulateur, au joueur taré qu'il faut trimballer enchaîné en passant par une équipe de pharaons, une autre de cowboys ou Komosubi, le gnome à la force herculéenne, la panoplie est vaste et permet l'alimentation d'une avalanche de gags qui font souvent mouche. De fait, entre ce qu'il balance visuellement et sa légèreté (ou sa lourdeur, diront les incrédules), Aishiirudo Nijuu Ichi est l'exemple même de la lecture fun qui fait du bien par où elle passe. Dommage que sa volonté de ne pas en faire trop dans son registre décalé ne soit pas toujours utilisée à bon escient.
Aishiirudo Nijuu Ichi (Shūeisha) - Depuis 2002