Écrit par Le Jour
Ils avaient été récemment interdits d’activité, alors que les gares routières devant les accueillir ne sont pas opérationnelles.
Des agences de voyage ont repris leurs activités sur le boulevard du 27 août, au cœur du quartier Akwa, dans le centre ville de Douala. Samedi 27 novembre 2010, il est un peu plus de 15 heures. Ce
n’est pas la grande affluence au terminal routier aménagé à la douche municipale par la société Finexs plus Cameroun. Des cars de transport quittent le quai les uns après les autres. Le coaster baptisé New Ndokoti vient de se mettre en route pour Yaoundé, l’unique destination desservie par cette compagnie de transport interurbain. Un gros porteur chargé à moitié a pris la place du coaster à l’embarquement. Devant le guichet, les passagers font la queue pour acheter le ticket de voyage. « Pour le moment, la reprise est timide mais on espère que ça ira mieux », indique le prénommé Alain, responsable de la communication dans cette agence.
Finexs Voyages a été rétablie dans ses droits le mardi 14 novembre 2010, par la Communauté urbaine de Douala (Cud). Le 15 octobre 2010, cette agence avait été interdite d’activité, avec huit autres, pour absence d’autorisation, utilisation du domaine public routier pour les opérations d’embarquement et de débarquement, conflit de circulation et embouteillages générés. Le Jour a appris que le délégué du gouvernement auprès de la Cud, Fritz Ntonè Ntonè, a délivré une autre autorisation à l’agence Finexs, qui avait déjà un agrément signé par l’ex-délégué, Etondé Ekoto. La Cud va observer Finexcam sur plusieurs mois, bien que celle-ci dispose d’un terminal routier répondant aux exigences en vigueur : respect de la distance entre le parking et la chaussée, exploitation d’un site d’une superficie d’au moins 1500 mètres carrés comprenant une guérite, des places de stationnement, des toilettes et un hall d’attente pour passagers.
Clandestinité
La Cud a recensé 15 points d’embarquement participant au désordre urbain. Les terminaux les plus connus et fréquentés sont ceux de Bonabéri, rond Point Deido, Bépanda Tonnerre, Feu rouge Bessengué, Brazzaville, Axe lourd et Carrefour Saint Michel. A la date du 30 octobre 2007, la commission technique mise sur pied par la Cud a reçu et examiné 32 dossiers d’exploitation de terminaux routiers. Seuls quatre terminaux ont été autorisés, dont deux remplissant toutes les conditions d’implantation d’un terminal routier. La Cud a autorisé la création et le fonctionnement d’autres points d’embarquement à Pk5 et à Pk14, sous réserve des travaux d’aménagement et d’assainissement, et du respect du cahier des charges. 26 autres dossiers ont été rejetés pour site inapproprié, absence de pièces administratives et occupation du domaine public. Ces terminaux continuent de fonctionner, dans la clandestinité et sous le regard tolérant de l’administration. Ils sont plus sollicités par les passagers que les gares routières publiques (Sodiko et Madagascar). « Samedi 30 octobre 2010, j’ai emprunté un véhicule personnel au rond point Deido, aux environs de 6h30. Quand nous sommes arrivés à Bonassama, la voiture est tombée en panne. Au lieu de continuer jusqu’à la gare routière de Sodiko, j’ai préféré retourner au Rond Point Deido où j’ai poiroté pendant plus d’une heure d’horloge, dans l’attente d’une voiture pour Bafang », raconte Roger, un voyageur.
Gares Routières Légales : Sodiko, Pk 5 et Madagascar tardent à se mettre en route
Les sites provisoires indiqués par la Communauté urbaine souffrent des problèmes d’embouteillage, d’insécurité et d’éloignement.
Poom poom, poom. Les klaxons assourdissants de l’autocar ne semblent pas inquiéter les mototaxis stationnés à l’entrée de l’agence Confort voyages. « Ô ! quittez en route », crie le convoyeur accroché à la portière encore ouverte de la voiture bondée de passagers. Des chargeurs accourent et se mettent aussi à gueuler. Les conducteurs de moto se décident enfin à bouger, non sans avoir répondu par quelques grossièretés. Le chauffeur du bus attend maintenant le bon moment pour s’engager sur la chaussée, où la circulation est dense. Après une longue séquence de klaxons, le « gros porteur » s’engouffre dans le trafic, obligeant des automobilistes à freiner. Un motocycliste manque d’être écrasé. Plus de peur que de mal. Et voilà l’autocar en route pour Yaoundé.
La nouvelle gare routière de Pk 5 prend progressivement corps le long d’une ruelle. L’endroit est assez animé cet après-midi du samedi 30 octobre 2010. « Les premières agences sont installées depuis plus d’un an. Il y a quelques semaines, tous les transporteurs ont été transférés ici par la Communauté urbaine de Douala. L’endroit appartient à des particuliers. Chacun loue un espace qu’il aménage », explique Etienne Koba, responsable de l’agence Princesse voyages. « Voilà deux semaines que nous exerçons sur le nouveau site. Les passagers commencent à affluer. Il est 14h, nous chargeons la 7ème voiture. Même si l’embouteillage est un problème, il y a plus d’espace ici qu’à la douche municipale, où les transporteurs ont évolué pendant des années », poursuit-il. L’affluence favorise les accidents de moto, déplore Steven, tenancier d’une boutique non loin du site. « Les véhicules vont vite sur cette rue, qui est pourtant fréquentée par les élèves. Il faut des dos d’âne », propose-t-il.
Insécurité
Construite et aménagée depuis 1996, la gare routière de Sodiko reste sous utilisée. Pourtant elle dessert les régions de l’Ouest, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et le département du Moungo. « Nous avons respecté la réglementation en venant nous installer ici. Mais de nombreux transporteurs n’ont pas suivi le mouvement et continuent d’exercer dans la ville. Ils travaillent dans l’illégalité, s’arrêtent ici pour acheter le bordereau de voyage et ne sont guère inquiétés. Finalement, nous attendons les clients qui arrivent au compte-gouttes », se plaint un responsable d’agence. La gare routière de Sodiko ne fonctionne que le jour. La nuit, l’espace clos appartient aux enfants de la rue et aux agresseurs. Les transporteurs s’étant déportés le long de la route qui mène à la sortie de la ville.
La Communauté urbaine de Douala (Cud) avait fermé la gare routière de Madagascar à la suite de l’ouverture de celle de Sodiko. Bien que dans un piteux état, l’infrastructure fonctionnait pourtant de manière clandestine. Après avoir obtenu une autorisation de réouverture, le Gic Transcar a engagé des travaux de rénovation de la gare routière de Madagascar. Le délégué du gouvernement auprès de la Cud, Fritz Ntonè, Ntonè, y a effectué une visite le 26 octobre 2010. Il a reconnu que la gare ne sera pas opérationnelle avant la viabilisation complète du site marécageux. Elle desservira Yaoundé et le département du Nkam. Les voitures à destination de l’Ouest pourront charger la nuit.
De la gare de New-Bell à Sodiko
Le boom démographique a favorisé la naissance de terminaux routiers dans les quartiers populeux de Douala.
Dans les années 60, le seul point d’embarquement dans la ville de Douala se trouvait au quartier New-Bell, non loin du lycée. « A l’époque, ça ne posait aucun problème, parce que le parc automobile était encore faible ; le marché central, alors appelé marché Lagos, était pittoresque, la densité de la circulation n’avait rien à voir avec ce qu’on connaît aujourd’hui », raconte Edouard Yetchang, syndicaliste. Dans les années 70, la gare s’est délocalisée et s’est implantée juste tout près du site actuel de la Boulangerie d’Akwa, aujourd’hui appelé Ancienne gare routière. Les années 80 ont vu naître l’actuelle gare routière du Camp Yabassi. « Ça ne posait toujours aucun problème démographique, parce que Bépanda n’existait pas. Les quartiers comme Nyalla, Pk17, c’était la brousse. La Cité sic, Cité des douanes (face polyclinique Soppo) et la Cité des enseignants (Kilomètre 5, après Ipd), c’étaient les principaux points d’agglomération», poursuit Edouard Yetchang.
Avec l’extension de la ville et la surpopulation, d’autres points d’embarquement clandestin se sont implantés au Rond Point Deido. La gare routière de Sodiko à Bonabéri (arrondissement de Douala 4ème) a été créée pour désengorger ce site clandestin. Mais la Cud n’a pas pu empêcher la naissance d’autres terminaux routiers à Bépanda Tonnerre, Brazzaville, Bessengué, Trois morts, rue Sylvani, etc. Ces points d’embarquement se constituent à des endroits très fréquentés, à l’instar des carrefours et des stations d’essence.
Fritz Ntoné Ntoné : « Nous tolérons les chargements dans des sites non autorisés »
Le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala parle des difficultés à réaliser le projet de construction des méga-gares routières.
Au terme de la réunion du cadre permanent de concertation, tenue le 05 novembre dernier, vous avez annoncé des mesures d’accompagnement en faveur des promoteurs des compagnies de transport interdites d’activité à la douche municipale et à Pk 5. En quoi consistent ces mesures ?
Nous allons, autant que faire se peut, accompagner les promoteurs des compagnies qui ont été délogées, afin qu’elles puissent continuer leurs activités dans d’autres sites ou dans des sites de fortune. Car ces compagnies n’ont pas été délogées tout simplement du fait de l’absence d’autorisation, mais parce qu’il y avait des contraintes de la circulation. Si nous considérons le cas de la douche municipale, cet endroit n’était plus praticable à certaines heures de pointe. Donc il fallait qu’on fluidifie la circulation. Actuellement où chargent ces compagnies de transport, puisqu’elles continuent à fonctionner ? Ne me demandez pas si elles ont l’autorisation de charger sur leur site actuel. Il y a donc une certaine tolérance (...) Et si on se rend compte que dans ces sites de fortune il y a un problème quelconque qui se pose, nous allons agir, en attendant qu’on résolve le problème de base qui est la construction et l’équipement des gares routières. On a un projet de réhabilitation de la gare routière de Sodiko. Nous allons appuyer les promoteurs de la gare routière de Madagascar et continuer la réflexion sur la construction de la méga-gare routière de Yassa.
La tolérance que j’ai évoquée est déjà un élément d’accompagnement. En clair, notre action ne se justifie pas par le fait qu’on doit traquer tous ceux qui n’ont pas d’autorisation. Il y a certaines conditions qui ne sont plus remplies pour que les agences délogées exercent sur le site qu’elles occupaient. Nous parlons, pour le moment, de la douche municipale. Il en est de même du site de Saint Michel. Donc, elles ont été délogées et on tolère qu’elles soient dans des sites d’emprunt qui ne perturbent pas le trafic, en attendant qu’on résolve le problème progressivement.
La gare routière de Madagascar a des problèmes de sécurité. Des dispositions particulières ont-elles été prises pour assurer l’implantation de ces agences dans ce terminal ?
Pourquoi pas ? Nous avons dit, pour ce qui est de la Communauté urbaine, que nous allons accompagner les promoteurs. Nous avons aussi émis le vœu que tous les responsables de compagnies entrent dans cette réflexion et dans ce partenariat, parce qu’on a toujours l’impression que c’est l’Etat ou la Communauté urbaine qui doit construire. Mais maintenant nous devons nous asseoir pour savoir comment monter ces dossiers et les réaliser. Donc la gare routière de Madagascar peut accueillir de manière assez raisonnable un certain nombre d’agences mais pas toutes. Sa superficie couvre seulement 2500 m2 et n’est pas si grande pour contenir tous ceux qui vont vers Edéa, Yaoundé…
Où en est-on avec le projet de construction de deux méga-gares routières et à quand leur effectivité ?
Les deux méga-gares routières ! Pour ce qui est de celle de la ligne de l’Ouest et du Sud Ouest (méga-gare routière de Ndobo, Ndlr), nous n’avons pas encore de site approprié. Ces gares polyvalentes ressemblent à un aéroport où tout le monde peut avoir tous les services sur place. Mais en attendant, nous avons suffisamment de l’espace à Sodiko. Les travaux de réhabilitation de la gare routière de Sodiko sont prévus en 2011 et je crois qu’avant juin 2011, ces travaux seront terminés. Pour ce qui est de la sortie Est de la ville, c’est-à-dire la méga-gare routière de Yassa, nous avons le site et le plan. On est en train de voir dans quelle mesure on peut avoir tous les financements nécessaires. En attendant, pour soulager certains (puisque c’est un projet relativement coûteux), on verra dans quelle mesure on peut améliorer le confort de la gare routière de Madagascar.
Votre avis : Où prenez-vous les voitures quand vous voyagez et pourquoi ?
Sonfack Fidele, menuisier : « Je les prends sur l’axe lourd »
Je ne vais jamais dans les agences de voyage. Généralement, quand je dois voyager, je m’arrête sur l’axe lourd, où je fais l’auto-stop. Il est proche de ma maison. Je n’ai pas pour habitude d’emprunter les compagnies de transport. Même à bord d’un pik-up ou d’un camion, je voyage toujours. Pour moi, ce n’est pas le véhicule qui compte, mais plutôt la possibilité d’arriver à destination à bon port. De toutes les façons, tout le monde n’ira pas dans une agence de voyage pour se déplacer.
Ndjidda, agent d’entretien : « L’emplacement de l’agence importe peu»
Le positionnement des agences de voyage importe peu pour moi. Je n’ai pas d’agence de voyage préférée, encore moins des lieux que j’affectionne particulièrement. Ce qui est important pour moi, c’est les tarifs pratiqués dans les agences de voyage. Si une compagnie propose 1500 ou 2000 F.cfa comme frais de transport, j’irai là-bas sans crier garde. Même si elle est située à la sortie de la ville ou très éloignée de ma maison.
Jeannette T, avocate : «Dans les zones sécurisées »
Habituellement, je prends les bus dans les agences de voyage, quel que soit le lieu. Pourvu qu’elles soient dans des zones sécurisées. Généralement, je n’emprunte pas les voitures dans les agences de voyage situées dans les zones populaires. Là-bas, les passagers sont à la merci des agressions et des duperies. Je ne vais que dans les agences bien organisées. Néanmoins, l’agence de voyage ne doit pas être éloignée de la ville. Ce serait comme faire un voyage avant un autre.
Arlette D., agent d’assurance : «Proche de ma maison »
J’habite dans un quartier périphérique de la ville. Voyager a toujours été un problème pour moi. Donc, je m’arrête généralement aux agences proches de ma maison, pour ne pas être embêtée par les tracasseries que nous imposent les taxis. En plus, au retour des voyages avec les bagages, il est difficile de les trainer dans toute la ville avant d’arriver chez soi.