Magazine Société
La publication dans les médias des informations piratées par Wikileaks a ouvert une vive polémique sur la « transparence ». Ceux qui soutiennent l’action de Wikileaks justifient leur avis au prétexte que tout doit se savoir, que démocratie et transparence sont inséparables, que cette action doit se juger comme un juste contre-pouvoir nécessaire en démocratie. Ce point de vue fait donc du secret un lourd défaut de la société, suggère que tout a vocation à être mis sur la place publique. Exit donc la protection de la vie privée et de ses secrets d’alcôve, exit la confidentialité des négociations politiques, commerciales et économiques, vive l’espionnage dans tous les domaines de la vie publique et privée ! Qui peut sérieusement soutenir un tel point de vue ? Par une étrange coïncidence, cette « fuite » monstrueuse, dont les sources sont anonymes même si l’on soupçonne aujourd’hui l’identité de l’auteur, s’est produite dans un pays dont on ne peut soupçonner un seul instant qu’il ne soit pas démocratique. Rien de semblable ne risque de se produire en Chine ou en Iran !! Ainsi donc, au nom d’une soi-disant défense de la démocratie, on cherche à porter un coup potentiellement dangereux à la plus grande démocratie mondiale. Un parfum d’anti-américanisme primaire se dégage d’un tel comportement. De plus, lorsque l’on examine le contenu des « révélations » de Wikileaks, on ne peut que constater qu’il s’agit beaucoup plus de rumeurs de comptoirs de bar que d’informations sérieuses et utiles, même si leur diffusion peut créer ici ou là quelques difficultés. Qu’apprend-on de vraiment nouveau sur l’américanisme de Nicola Sarkozy ou sur l’existence d’une corruption généralisée en Russie ? La seule leçon à retenir de cet épisode est que l’administration américaine a sérieusement besoin de reconsidérer la protection de ses services. Le journalisme d’investigation a, certes, la mission de rendre publiques des informations qui permettent de comprendre et de juger les faits. Le monde aurait grandement gagné si des informations avaient circulé sur les pratiques bancaires scandaleuses des banques américaines avant que n’éclate la bulle des subprimes ! Nous serions tous plus protégés si des informations étaient fournies sur les pratiques actuelles de Goldman Sachs qui conduisent à nouveau le monde vers d’énormes difficultés. Mais, comme tout acteur, le journaliste doit posséder une déontologie qui lui interdise de confondre information et délation. Les magistrats et avocats devraient bien réfléchir à cela et de respecter davantage le secret de l’instruction si souvent violé ; la justice y gagnerait en sérénité. Le secret défense actuellement opposé par le Gouvernement aux demandes d’informations des juges sur l’affaire de Karachi ou des frégates de Taiwan aurait tendance à faire regretter un manque de transparence et un Wikileaks à la française ! Aucun système n’est et ne sera jamais parfait et un compromis sera toujours obligatoire. Imaginons ce qui pourrait se passer si le secret défense n’existait pas et si tout ce qui touche réellement à la sécurité du pays était public ? Ne confondons pas transparence et transparitude !