Vite fait, pour s'échauffer, les commentaires de Julien Dray sur la candidature de Ségolène Royal au poste de Premier Secretaire (Libé):
Selon le porte-parole du PS, «il y avait une mayonnaise qui pouvait prendre après l'élection présidentielle, parce que c'était une forme de logique : la candidate devenait la patronne du Parti socialiste. Mais à partir du moment où elle a donné une lecture extrêmement critique de sa campagne, où elle a désigné un certain nombre de responsables au parti socialiste (pas forcément à tort d'ailleurs), il y a forcément une situation qui est nouvelle, explique Julien Dray. La situation nouvelle, c'est qu'aujourd'hui la candidature de Ségolène Royal à la tête du Parti socialiste n'est plus naturelle. La question qui est posée : est-ce que cette candidature va rouvrir une crise au Parti socialiste ou est-ce qu'elle va la résorber ? Mon sentiment, c'est qu'elle va la rouvrir».
Il y a quelque chose de très bizarre là-dedans. Dray est en train d'expliquer pour il retourne sa veste, sans le dire évidemment. Ce non-dit influe sur sa façon de s'exprimer. Prenons les choses point par point:
il y avait une mayonnaise qui pouvait prendre après l'élection présidentielle, parce que c'était une forme de logique : la candidate devenait la patronne du Parti socialiste.
Pour quelqu'un qui aurait tout oublié de l'après 6 mai du côté socialiste, cette lecture pourrait paraître cohérente : Royal avait toutes les clés en main, c'était le moment de prendre le contrôle du Parti. C'est oublier un peu vite que c'était précisément à ce moment que la candidate était le plus férocement contestée par les autres "chefs de file". La possibilité de devenir "patronne" tout de suite après l'élection est une pure fiction, qui sert uniquement à rejeter toute la faute sur Royal elle-même :
Mais à partir du moment où elle a donné une lecture extrêmement critique de sa campagne, où elle a désigné un certain nombre de responsables au parti socialiste (pas forcément à tort d'ailleurs), il y a forcément une situation qui est nouvelle
Oublié DSK qui regarder passer les secondes sur son Blackberry pour pouvoir lâcher sa bombe sur Ségolène Royal. Oublié l'aigreur mal contenue des jospiniens. Enfin, pas tout à fait oublié, car Dray admet que certaines des critiques lancées envers le Parti étaient justifiées ("pas forcément à tort...").
La situation nouvelle, c'est qu'aujourd'hui la candidature de Ségolène Royal à la tête du Parti socialiste n'est plus naturelle. La question qui est posée : est-ce que cette candidature va rouvrir une crise au Parti socialiste ou est-ce qu'elle va la résorber ? Mon sentiment, c'est qu'elle va la rouvrir».
Sa candidature n'est plus naturelle? C'est là où j'ai le sentiment que Julien Dray se trompe de mot. La candidature de Ségolène Royal, est-elle moins naturelle que celle de Pierre Moscovici ? Déclarer une candidature, c'est entrer en concurence avec d'autres. Une candidature n'a pas besoin d'être "naturelle". C'est le vote qui décide si elle est justifiée. Ségolène Royal est-elle devenue si insignifiante au PS que sa candidature n'a aucune importance? J'ai dû mal à penser que Dray le pense.
De quoi parle-t-il, donc, notre Julien Dray? Ce qu'il veut dire (sans le dire) c'est que ce ne serait pas "naturel", ce n'est pas la candidature de Royal, mais la victoire de Royal. Qu'il doit redouter au point d'intégrer ce lapsus dans sa pensée.
Je ne serai jamais un grand défenseur de François Hollande. Il est devenu, néanmoins, le bouc-émissaire du PS. On aime tellement le rendre responsable des grandes "synthèses à la con", qui furent acceptées parce qu'elles arrangeaient quand même tout le monde. On voit que "l'esprit Hollande" est toujous en forme chez Dray, qui souhaite un candidat capable de "résorber" les crises du PS. Quelqu'un de mou, de consensuel. Ségolène Royal est dangereuse parce qu'elle oblige tout le monde à faire de la politique, de se prononcer. Si on demandait plutôt à Hollande de rester pour un mandat de plus?