Dans les commentaires à mon billet de l'autre jour, Carla Bruni toute nue, Flo Py posait la question essentielle sur la réaction de la gauche en général, et de la blogosphère gauche en particulier, à la pipolisation à tout va entreprise par notre Très Grand Homme (TGH). Pour donner un peu de contexte et vous éviter de revenir à ce billet qui, grâce à (ou à cause de) son titre racolleur, a fait explosé mes statistiques (enfin, un peu : rien à voir avec les prouesses de PMA, qui restera la référence absolue dans le domaine), voici le point culminant de mon argument :
S'il fallait, pour établir une sorte de contre-pouvoir médiatique, que nous autres blogueurs passent le reste du mandat de Sarkozy à discuter de la marque des petites culottes de Carla Bruni, eh bien, je serais partant, même si le sujet est, malgré tout, extrêmemnt lassant, surtout au bout d'une année ou deux.
Et voici donc la réponse de Flo Py :
d'un point de vue collectif, je suis d'accord avec tout.
Sauf que... Sauf que, d'un point de vue individuel, non pas du tout.
Je me refuse à utiliser les mêmes armes que mon adversaire politique (en l'occurence, on parle de la vulgarité, voire carrément l'obscénité, la pipolisation). Pas parce que je veux me démarquer à tout prix ; mais parce que ces armes-là, je les exècre. Je ne sais plus qui a dit grosso modo que ce n'est pas l'arrivée qui importe, mais le chemin que l'on parcourt pour arriver (ou pas). On peut aussi dire que la fin ne justifie jamais les moyens. Je veux pouvoir me regarder dans une glace en tant qu'individu, quoi que soit le devenir collectif de notre pays. Lutter certes, résister, évidemment, mais sans compromis ni concession. Sinon, comment être sûr que l'on est vraiment différent de celui que l'on prétend combattre ?
En fait, je suis d'accord avec cette position : la gauche doit continuer à se distinguer de la droite en ne pas tombant dans cette dérive ; la gauche doit être le camp de ceux qui se préoccupent des vrais problèmes, pas seulement des histoires d'alcove à l'Elysée. Pendant la campagne, il était devenu courant de dire que Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy mettaient en scène leurs vies privées à peu près au même degré. Je pense qu'aujourd'hui, on commence à voir la différence d'approche : si Ségolène Royal cherche à exister en tant que personnage, ou personnalité, public, sa démarche n'a rien du narcissisme officiel, enragé et dérapant du TGH. (Même François Bayrou joue le jeu, grâce à son tracteur.)
Où est donc la ligne entre ce qui est une occupation justifiée d'une partie frivole mais, malheureusement, de plus en plus central de l'espace médiatique, et l'abus sarkozyste?
En fait, je ne suis pas certain qu'il faille théoriser cette distinction. Sarkozy est en train de payer cash ses excès médiatiques. S'il faut, pour nuire aux politiques de Sarkozy, d'Hortefeux, de Dati, de Lagarde, enfoncer le clou médiatique et tenter d'aliéner un peu plus les électeurs rétraités choqués par cette extravagance et cette vulgarité, soit.
Pourtant, la stratégie consistant à ne plus parler que des culottes de Madame Bruni mène également vers une impasse, vers un discrédit certain. En somme, du point de vue cette fois des blogueurs de gauche, des blogueurs Vigilants par exemple, le fait d'insister sur la vulgarité et la frivolité du TGH, ce n'est pas tant se salir en utilisant les armes de l'adversaire, qu'utiliser contre l'adversaire ses propres armes. C'est comme le ju-jitsu : ne pas contrer la force de l'attaquant, mais transformer son aggression en chute, retourner sa force contre lui.
Et la meilleure démonstration d'une telle transformation, c'est la manière dont Juan, au fil des billets, effectue ce glissement qui va des dérives de la vie privée du Président de la R. jusqu'à la question essentielle : Sarkozy est-il apte à gouverner? Nous revoilà de retour dans la politique, en train de bousiller l'aura d'invicibilité du Président-Sauteur.