Vouloir aujourd’hui remettre la réforme des retraites sur le tapis n’est pas réaliste. D’autant qu’en 2013, voire en 2012, il en sera à nouveau question. Par ailleurs, l’idée d’Eric Cantona consistant à vider son compte en banque, n’est plus ce moyen de pression qui, à l’ origine, visait à ce que le projet de réforme des retraites soit purement et simplement retiré. C’est devenu un moyen de «faire la révolution».
Pourquoi pas ? Mais même O. Besancenot qui fait pourtant semblant de la soutenir (l'idée), n’y croit plus vraiment puisque, prenant appui sur l'exemple de l'Argentine au début des années 2000, il justifie de sa tiédeur en déclarant : « les gens se sont précipités, les banques ont fermé, la police a frappé. Les banques sont toujours du côté du pouvoir ». (ou les pouvoirs du côté des banques)
L’idée pourrait quand même faire son chemin à condition de l’adapter. Et pour y parvenir, de considérer par exemple :- Que le système capitaliste ne peut pas être démantelé du jour au lendemain surtout si l’on oublie au passage le contexte de la mondialisation et que le rejet, si rejet il y a, ne peut être qu’universel. Donc, au moins dans un premier temps, il semble préférable d'utiliser le principe du «retrait Cantona» à des fins géographiquement plus réduites.
- Qu’à moyen terme, l’entreprise peut être difficile à vivre surtout si l’on n’a pas mesuré les conséquences matérielles d’un abandon radical de ses habitudes de consommateur ou de salarié.
- Que l’argent n’existe pas, sauf en tant que symbole. Mais qu’il est nécessaire à la survie des banques et que prendre en otage cet argent de façon conséquente, implique que ce soit surtout les classes moyennes qui s’en chargent, le but étant, in fine, de rendre incontournables des négociations sur des objectifs précis relatifs à l'intérêt général.
- Que les syndicats, enfin et définitivement lavés du soupçon dit de l'UIMM (Union des Industries Métallurgiques), encore appelé «fluidification des relations sociales», pourraient alors et en effet orchestrer les «retraits cantona» pour négocier en position de force et avec une plus grande efficacité que celle déployée à l’occasion des dernières manifestations contre les retraites. Pour un syndicat, se contenter de «gagner la bataille de l’opinion» n’est pas un objectif sérieux.
- Que cette pratique du retrait bancaire, expérimentée ici et dès le 7 décembre à sans doute très petite échelle, pourrait l’être ailleurs et peser sur une véritable remise en cause d’un ultralibéralisme sans frontières et sans garde-fous.
Une façon comme une autre d’obliger les pouvoirs, les banques et les marchés à prendre la mesure des inégalités qu’ils savent si bien pouvoir creuser en toute impunité. L’idée sympathique des «retraits cantona» a le mérite d’affoler les tenants du système.