C’est une image que vous n’avez pas vue. Si vous aviez pu vous faufiler derrière le décor vous auriez aperçu trois techniciens allumant des bougies et les faire glisser sur un plan d’eau. Accroupi, un homme les aidait dont ce n’est ni le métier, ni la fonction.
Jean-Marie Puissant assure la direction musicale de cet opéra. Mais il peut aussi prêter main forte à l’équipe. Loin de l’anecdote, cette confidence illustre la nature de la relation de confiance qui s’est construite entre le directeur musical et le metteur en scène, entre les musiciens et les chanteurs et avec les acteurs.
Tout est extrêmement construit dans cet opéra. A commencer par le décor, sorte d’usine abandonnée, rouillée et engloutie par la mer, telle une cité perdue où les protagonistes vont s’exalter avant de disparaitre littéralement dans l’espace.
Continuons par la musique qui, chaque soir n’est jamais tout à fait la même ni tout à fait une autre. Il y a chez Purcell une part d’improvisation absolument organisée qui rend chaque représentation particulière.
Enchainons avec les musiciens qui ont accepté (comme d’autres mettent la main à la pâte) de mettre le pied à l’eau. Leur arrivée sur scène est un moment rare. Elle est jouée. Elle trouble le public qui souffre un peu de les savoir travailler dans leurs chaussures trempées. Si bien que nous sommes prêts, nous, spectateurs confortablement et chaudement installés, à mieux ressentir le drame qui va se dérouler. Le processus d’identification s’installe plus solidement, et à notre insu.
Comment saluer les chanteurs qui se jettent à l’eau, réellement et sans trucage aucun ! Quelle évolution avec les corps statiques, rigides en bord de scène, qui étaient comme plantés dans les décors, souvent des palais aux colonnes effondrées, qui meublaient les plateaux jusque dans les années 80. A l’exception du travail de Patrice Chéreau qui fut un des premiers à oser faire jouer ténors et sopranos à partir de 1976. On cria pourtant au scandale en sortant de l'Opéra de Bayreuth où il avait mis en scène la Tétralogie de Richard Wagner, à la demande de Pierre Boulez, pour le centenaire de l’institution.
Comme j’aurais aimé que ces deux hommes soient hier au théâtre de l’Onde !
Tout cela ne serait qu’artifices si ce n’était pas profondément justifié par la lecture attentive du livret de Nahum Tate que Denis Chabroullet en a faite. Cet homme, profondément modeste et humain, fait partager la richesse des images qu’il a en tête. Son univers prend sa source dans le rock et dans la bande dessinée. Cela se sent. Cela se voit. Mais sans discordance avec l’époque baroque de Purcell.
Le public a gouté cela hier soir. Tous les âges étaient réunis et ont quitté tardivement le théâtre. La discussion avec le collectif artistique semblait infinie. Un groupe d’élèves de Viroflay ne fut pas des moins passionnés.
Le Didon et Enée du Théâtre de la Mezzanine est une création, qui a été rendue possible grâce à une coproduction avec le théâtre d’Esch-sur-Alzette (Luxembourg) et l’Onde-Théâtre et Centre d'art de Vélizy-Villacoublay (78). Plusieurs co-réalisateurs et partenaires sont intervenus.
Distraire, faire réfléchir, provoquer des prises de conscience, s’ouvrir, aimer … faire grandir … telles sont les missions que les équipements culturels ne doivent pas perdre de vue. Mission accomplie ! Bravo et merci !
Cela s’oublie parfois dans des créations très artistiques mais déconnectées des réalités (je ne vais pas revenir sur un spectacle qui m’a récemment hérissé le poil … et dont vous pouvez lire la critique en remontant plusieurs jours en arrière).
Photos Théâtre de la Mezzanine, sauf mention A bride abattue pour la dernière.
Théâtre de la Mezzanine, La Serre, Route de Nandy, 77127 Lieusaint, http://www.theatredelamezzanine.com/
Tel : 01 60 60 51 06, Fax : 01 60 60 41 30
L'ONDE - THEATRE ET CENTRE D'ART - 8 bis av Louis Breguet- 78140 VELIZY VILLACOUBLAY www.londe.fr
Tél.: 01.34.58.03.35 Fax : 01.34.58.03.36 [email protected]