« Aux États-Unis, il y a une industrie de commentateurs politiques et d'experts qui se consacre à enflammer les passions politiques le plus possible, particulièrement avant les élections. C'est similaire à ce que font les journalistes et les commentateurs sportifs pour attirer l'attention sur leur jeu. Il semble que la principale force derrière le discours politique aux États-Unis soit l'ennui : on peut parler du temps qu'il fait, de son boulot, de son crédit hypothécaire et de sa relation avec les cours de l'immobilier actuels et projetés, des voitures et de la situation de la circulation, du sport, et, loin derrière le sport, de la politique. Dans un effort pour faire en sorte que les gens y prêtent attention, la plupart des questions débitées devant l'électorat concernent la reproduction : l'avortement, le contrôle des naissances, la recherche sur les cellules souches, et des petits bouts de politique sociale similaires sont balancés plutôt que réglés, simplement parce qu'ils font un bon taux d'audience. Des questions stratégiques ennuyeuses
mais vitalement importantes telles que le développement durable, la protection de l'environnement et la politique énergétique sont soigneusement évitées.
Bien que les gens se plaignent souvent de l'apathie politique comme si c'était une grave maladie sociale, il me semble que c'est juste comme cela doit être. Pourquoi des gens essentiellement impuissants voudraient-ils participer à une farce humiliante conçue pour démontrer la légitimité de ceux qui exercent le pouvoir ? Dans la Russie de l'ère soviétique, les gens intelligents faisaient de leur mieux pour ignorer les communistes : leur prêter attention, que ce soit par la critique ou par la louange, ne servirait qu'à les conforter et les encourager, leur donnant le sentiment d'importer. Pourquoi les Américains devraient-ils vouloir agir le moins du monde différemment en ce qui concerne les républicains et les démocrates ? Par amour des ânes et des éléphants* ?
(...) Les États-Unis sont bien plus comme les Balkans que comme la Russie, qui est habitée par une population eurasienne assez homogène. Les États-Unis sont très compartimentés, habituellement par race, souvent par ethnicité, et toujours par niveau de revenu. Durant les périodes prospères, ils restent relativement calmes en maintenant un pourcentage de gens en prison qui a établi un record mondial absolu. Durant les périodes moins prospères, ils sont en grand risque d'explosion politique. Les sociétés multi-ehtniques sont fragiles et instables ; lorsqu'elles se désagrègent, ou explosent, tout le monde perd.
(...) Une fois que les distributeurs d'argent n'auront plus d'argent, que les téléscripteurs boursiers cesseront de téléscripter, et que la chaîne de distribution se sera brisée, les gens auront toujours des besoins de base. Il y aura des marchés aux puces et des arrangements privés de troc pour alimenter ces besoins, utilisant n'importe quelle monnaie d'échange locale qui sera disponible : des rouleaux de billets de cent dollars, des bouts de chaînes en or, des paquets de cigarettes, ou n'importe quoi de ce genre. Ce n'est pas une mauvaise idée de posséder un peu de tout ce que vous aurez besoin, mais vous devriez investir dans des choses que vous pourrez échanger contre des choses dont vous aurez besoin. Pensez à des biens de consommation nécessaires qui requièrent une haute technologie et ont une longue durée de vie en réserve. Voici quelques suggestions pour commencer : des médicaments (sans et sur prescription), des lames de rasoir, des préservatifs. Les batteries rechargeables (et les chargeurs solaires) deviendront assurément des articles précieux (les NiMH sont les moins toxiques). Les articles de toilette, tels que du bon savon, seront des articles de luxe. Remplissez quelques cantines, emballez sous azote pour que rien ne rouille ou ne pourrisse, et entreposez quelque part.»
*L'âne est la mascotte du Parti démocrate, l'éléphant est celle du Parti républicain.
Dmitry Orlov, Juin 2005.
NB: le titre provient de cette réjouissante dépêche de l'AFP...