« Les jeunes Parisiens sont ouverts et décomplexés »

Sous l’œil avisé du photographe Hugues Lawson-Body, de parfaits inconnus se sont glissés dans la peau de modèles d’un jour. Dans son ouvrage Jeunes Parisiens, Hugues joue les anthropologues et dresse un beau et juste portrait de la jeunesse urbaine

Hugues, comment vous est venue cette idée ?

On l’a eue à deux avec mon pote Arthur King. Ce sujet n’avait encore jamais été traité de cette façon. La jeunesse de Paris n’a pas le style de New York, de Tokyo ou de Berlin, elle a un style singulier, fait de classique, mais imprégné de touches personnelles qui puisent souvent leurs sources dans les différentes origines culturelles dont elle est composée. Cette French touch’ est unique et se démarque des autres capitales du monde. J’ai souhaité figer cet instant. Je suis toujours fasciné par la rapidité à laquelle passent les modes, comme la Techtonik. Le fait de croiser chaque jour des jeunes qui ne sont pas dans les magazines, ou uniquement dans les pages faits divers, m’a poussé à aller vers eux. Cet ouvrage est un hommage au jeune parisien que j’ai été, aux jeunes Parisiens d’aujourd’hui et de demain.

Comment ces jeunes ont-ils accueilli votre démarche ?

Très bien. Parfois même avec un poil trop d’enthousiasme ! À 98%, une fois mon projet expliqué, tous étaient partants pour poser. Cette génération aime exposer son image et témoigner de ses expériences : génération Facebook !

Avez-vous une anecdote en particulier sur une séance photo ?

J’en ai quelques-unes, mais je me souviens surtout de la surprise que j’ai eue en découvrant une arme blanche cachée sur la hanche d’un de mes jeunes modèles. Il était lisse en apparence. Il n’avait rien d’agressif ou de violent. Cet évènement m’a donné à réfléchir et m’a inspiré pour mon prochain projet.

Cette expérience photographique a-t-elle changé votre vision de la jeunesse parisienne ?

Non, je fais toujours le même constat : les Parisiens sont ouverts et décomplexés. Par-dessus tout, ils sont fiers d’être « JP ». J’ai passé trois années de bonheur à les shooter, ils ont justifié mon investissement en temps, et ce, malgré des petits moments de fatigue, car certains groupes étaient difficiles à diriger, à maintenir concentrés plus de 5 minutes… Mais au regard du résultat, j’ai toujours su que le jeu en valait la peine, et j’ai aujourd’hui le sentiment d’avoir rempli mon contrat.

Quelle était votre technique de prise de vue ?

Mon process est simple : je devais être mobile, donc pas question de trop me charger. J’avais donc uniquement ma carte de transport, un seul objectif (24-70mm), mon réflecteur et mes carnets d’autorisations.

Quelle est votre photo préférée ? Pouvez-vous la commenter ?

Il s’agit d’une photo de groupe : les jeunes de Belleville en costards-cravates. Ils sont noirs, blancs et indiens. Elle est différente, elle symbolise l’envie de challenge, elle casse les préjugés et elle est chargée de dignité. Ces jeunes parisiens prennent leur place, loin des clichés diffusés.

Lauren Clerc

Hugues Lawson-Body, Jeune Parisiens, 1980 éditions