La carričre de l’étonnant Harrier touche ŕ sa fin.
Ce fut un avion de combat peu ordinaire, un véritable ADAV, vraiment opérationnel, impressionnant en męme temps qu’une bęte de meeting aérien. Le Harrier battait tous les records d’attention, dans un déchaînement de décibels rageurs produits par son Bristol Siddeley/Rolls-Royce Pegasus ŕ poussée vectorielle conçu sur base d’un brevet du Français visionnaire Michel Wibault.
Partout, l’heure est aux coupes sombres budgétaires. C’est l’impitoyable Defence Review du Premier ministre britannique David Cameron qui a précipité la fin opérationnelle du bruyant Harrier (busard) dont la Royal Navy alignait encore 80 exemplaires. Du jour au lendemain, un sévčre plan d’économies lui a prématurément coupé les ailes, faisant des porte-avions HMS Illustrious et Invincible de vulgaires porte-hélicoptčres et condamnant l’Ark Royal ŕ une démolition sans gloire. C’est une page d’histoire qui est ainsi tournée, avec brutalité, dans la contestation. ŤThe Timesť, sans doute le plus estimé des grands journaux quotidiens d’outre-Manche, a exprimé son désaccord dans un éditorial trčs ferme dont les titre est explicite : Plane Stupid.
Le Harrier, né Hawker Siddeley, de conception tout ŕ la fois originale et audacieuse, apparu dans les années soixante, s’était inscrit dans la mouvance de plusieurs projets d’appareils ŕ décollage vertical, dont le Mirage V, nés d’encouragements de l’OTAN. Les Etats-Unis adoptčrent l’avion britannique, dument américanisé au profit du Marine Corps et il fut produit sous licence par McDonnell Douglas sous la désignation AV-8B.
La genčse avait été longue, ŕ l’image de la nouveauté. Un démonstrateur technologique, tout d’abord, le P.1127 Kestrel, des prototypes, des équipements dédiés dont un affichage tęte haute de données facilitant la tâche du pilote et une mise au point semée d’embűches. Cela pour aboutir ŕ un avion d’appui capable de missions hors de portée des matériels classiques, malgré des performances subsoniques un peu courtes et un rayon d’action qui l’était tout autant. Mais une bien belle machine tout de męme.
Longtemps, le Harrier a symbolisé la puissance de l’industrie aéronautique de Sa Majesté, qui affichait alors des effectifs deux fois supérieurs ŕ ceux de sa concurrente française, et légitimement fičre de ses succčs répétés ŕ l’exportation. Ce furent aussi les temps heureux du démarrage d’Airbus, des premiers Tornado et Hawk, des avions régionaux de Short et Handley-Page, du biréacteur d’affaires HS 125 mais aussi celui de quelques échecs retentissants. Aujourd’hui, il ne reste pratiquement plus trace de ces seventies, suivies par de multiples renoncements. D’oů les regrets amers nés de la fin soudaine du Harrier. Laquelle est intervenue en męme temps que celle du quadriréacteur de lutte contre les sous-marins Nimrod.
Seize officiers de haut rang, menés par l’amiral Lord West of Spithead ont étalé leur indignation partout oů ils l’ont pu. D’autant que la tension inquiétante qui s’est installée entre les deux Corées rappelle qu’une nation dépourvue de porte-avions perd une bonne part de sa crédibilité géopolitique. C’est un statut que le Royaume-Uni retrouvera au mieux en 2019, et avec des avions embarqués américains.
Le ŤTimesť ne s’est pas contenté d’exprimer sa mauvaise humeur sous forme d’éditorial. Le męme jour, il a consacré la totalité des cinq colonnes de sa Ťuneť ŕ l’icône déchue, ŤLast Flight of the Harrierť. Symboliquement, une ultime consécration.
Pierre Sparaco - AeroMorning