Avec "Sabou" sorti en 2004, le "griot rock" Mory Kante marque son retour vers une musique traditionnelle et entièrement acoustique. Ce magnifique présent arrive à point nommé et nous fera vite oublier les précédentes expérimentations peu convaincantes que le guinéen avait tenté d'entreprendre. Depuis "Yéké Yéké" (le titre qui l'aura fait connaitre mais aussi celui par lequel il perdra au fil des ans son authenticité créatrice), il n'avait jamais cessé de mêler à sa musique des sonorités modernes empruntées à l'Occident sans pour autant retrouver la réussite commerciale qu'était la sienne à la fin des années 80. Le temps passait et l'anonymat se faisait de plus en plus grand. Son public s'amenuisait progressivement mais le griot continuait de travailler à sa musique dans une confidentialité sereine. Depuis son studio des environs de Conakry il ne se décourage pas et retrouve un calme et une tranquillité qu'il espérait depuis longtemps. «Que l'on apprécie ou pas la direction artistique que j'avais prise, il faut bien admettre que beaucoup de gens ont découvert la kora (la harpe-luth à 21 cordes), instrument des griots, maîtres de la parole et de la mémoire en Afrique de l'Ouest. Toute ma démarche, depuis le départ, a été de tendre vers la communication inter-culturelle et de positionner les instruments africains dans l'arbre de la musique universelle». Une évidence indéniable (rendons à César ce qui lui appartient) mais qu'il était temps d'envisager différemment, surtout depuis l'apparition sur la scène internationale d'artistes virtuoses de la kora que sont Ballake Sissoko et Toumani Diabate, ambassadeurs d'excellence de cet instrument atypique surfant constamment entre collaborations inattendues (dialogue entre une kora et une contrebasse sur le très bon disque "Chamber Music" de B.Sissoko et Vincent Segal) et souci de la tradition et du respect des ancêtres (Toumani Diabate et Ali Farka Toure sur "Ali & Toumani"). A chaque fois, le public répond présent et montre son intérêt pour cette musique riche et communicatrice venue d'Afrique de l'Ouest. En 2004, soit plus de 20 ans après son premier passage à Paris et ses premiers succès, Mory Kante, digne représentant de la culture africaine et patriarche respecté, revient lui aussi sur la musique de ses origines et délivre un album éblouissant, profond et abouti, moderne et à la fois très enraciné dans la tradition des griots. «J'ai voulu inventer à partir de la musique traditionnelle africaine quelque chose d'inédit mais de compréhensible par tout le monde. Parfois, lorsque l'on écoute cet album, on croit entendre des nappes de clavier, alors qu'il n'y en a pas. L'amalgame de tous les instruments traditionnels donne cette impression. C'est comme un peintre qui, n'ayant pas de vert sur sa palette, mélangerait du jaune et du bleu pour en obtenir»
Résultat, un sans faute de 55 minutes avec en prime dans le livret de très courts descriptifs des morceaux figurant sur l'album. Ainsi, sachez que pour les titres que j'ai choisis de vous faire découvrir, "Djou", en plus de jouer d'une mélodie somptueuse est un texte de mobilisation contre la faim dans le monde. "Mama" est une chanson dédiée à ses proches et plus spécifiquement à sa fille Mama Tememba, et enfin, "Loniya", dont le texte traite de la connaissance et du don divin.
Une Afrique enchantée et charmeuse que tout mélomane avisé se doit de posséder.
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