« si l’on veut cesser de vivre, comme le matérialisme doit bien se résoudre à le faire, dans cette intenable et permanente dénégation qui consiste à reconnaître dans son expérience intime l’existence de valeurs qui engagent absolument, tout en s’attachant sur le plan théorique à défendre une morale purement relativiste, rabaissant cet absolu au statut d’une simple illusion à surmonter », page 284 de « Apprendre à vivre ». J’ai lu récemment une intéressante démonstration de l’utilité d’avoir une position athée, car neutre, puisque la preuve de l’existence d’un être supérieur n’est pas décidable et qu’au final on peut s’épargner de sacrifier du temps à y croire ou à ergoter sur son existence. Si le raisonnement se tient, il n’arrive pas à me convaincre complètement. Refuser et maintenir une attitude permanente de neutralité va à l’encontre d’une position naturellement impermanente de la vie, de la pensée, oscillant entre besoin de transcendance et besoin de retour à soi. Le bouddhisme présenté par Thay au Village des Pruniers est dans cet esprit de retour à soi, d’embrasser nos souffrances et d’écouter des enseignements qui transcendent notre pensée tant en portée qu’en simplicité. Luc Ferry d’ailleurs rajoute un peu après : « dans un univers désormais voué à une exigence de lucidité jusqu’alors inconnue ». Il est évident que si cette lucidité nous porte à croire que Dieu n’existe pas, qu’il n’y a rien qui justifie de sacrifier notre vie ou celle d’autrui, il serait tout aussi absurde de croire que nous modelons le monde par nos seules pensées comme aime nous le démontrer des œuvres très actuelles du style Inception. Même s’il s’agit de créations, elles reflètent un sentiment général dans nos esprits matérialistes.
Je pense, avec cette certaine vision profonde qui me caractérise, qu’il faut accepter autant nos penchants à la lucidité que nos penchants à l’espoir irraisonné. Cette acceptation que nous ne sommes pas maîtres de notre destin, c’est-à-dire de nos origines, de nos rencontres est un premier pas pour la guérison en nous-mêmes. Cette étape franchie, on peut décider de ce que l’on juge le plus crédible tout en laissant de la place pour le doute, la remise en cause, une refonte non violente. Attention, je ne dis pas qu’il faut être mou ! Il faut aussi savoir accepter notre violence intérieure si elle est nécessaire pour franchir des étapes dans notre connaissance interne. Cela ressemble à un positionnement ambigu, mais ce n’est pas être ambigu que d’être ouvert et souple. C’est de cette lucidité que je voudrais vous faire partager. Une lucidité où le pardon n’est pas compromission, mais la seule bonne réponse que l’on peut apporter à nos écarts par rapport à la morale. Comme je disais dans une précédente note, agissez, prenez les devants, plutôt que réagir, intervenir en pompier. Un homme avertit en vaut deux, mais si cet homme sait qu’il n’est pas unique, produit de ses origines et de ses pairs, alors cet homme est multiple.
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