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Etat chronique de poésie 1065

Publié le 02 décembre 2010 par Xavierlaine081

1065 

Il s’est levé, ses yeux ont vu le ciel, derrière la fenêtre haut perçée, pour la rendre inaccessible. 

Ses yeux, une fois fixé le ciel bleu, sont revenus aux murs blancs, et vides, à la planche qui faisait son office de sommier, aux draps roulés dans le sens de son sommeil agité. Il a regardé la porte, fermée à double tour de l’extérieur. 

Ses oreilles ont un instant frémis aux bruits lointains qui pouvaient quand même franchir les couloirs, les grilles, et les murs d’enceinte. Ici le décompte des heures et de s jours n’a plus aucune importance. 

Seule compte la longue rumination, la folle méditation et la gangrène des actes passés. Il rêve d’évasion : quel oiseau en sa cage dorée ne se laisserait séduire ? 

Puis viennent les mots, à gros bouillons. C’est un torrent qui se déverse sur la page blanche de son esprit blanc. 

De ses doigts, il écrit sur les murs blancs des lettres blanches : « Aurai-je pu savoir la portée de mes crimes ? 

Et les peines endurées qui n’ont rien d’une prison ? Qui suis-je en ce monde qui me condamne ? 

Qui suis-je en cet état qui lui-même lève ses armes contre tout ce qui le conteste ? » 

*

Sa main qui, un instant s’était levée, retombe. Lui-même se laisse choir sur ce qui ressemble, vaguement à un lit. 

Une grosse larme roule sur sa joue creuse. Une larme blanche que nul ne verra comme un signe. 

Une larme chez un homme n’est qu’aveu de faiblesse. Alors, d’un revers de sa manche, il en dessèche vite la présence, puis jette un regard circulaire aux caméras fixées aux quatre coins de la pièce. 

« Pas le droit, pas le droit de la moindre faiblesse, en ce monde qui se croit invincible. Faiblir serait mettre genou à terre, s’incliner devant les bourreaux. 

Un homme qui pleure n’a plus sa figure, tous le regardent comme un maillon pourri. Or ce qui me vient n’est pas de faiblesse mais de remord : ma présence en ces murs ne changera rien à ce que mes mains ont produit d’irréparable. 

Mais nul ne saurait comprendre qu’en commettant le meurtre je me condamnais tout seul et à perpète, à la pire prison qui soit : celle que ma raison, un instant défaillante, a construite autour de ma fausse pudeur. » 

*

Une autre vient qui roule à son tour. Paupières baissées, il ne songe plus à en arrêter le cours. Dehors ou dedans, elles ne cesseront de rouler, toujours. Mais nul n’entend jamais la cataracte des pleurs au cœur du condamné. 

Manosque, 2 novembre 2010

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