Une autre vraie illusion est de croire qu’une boîte de marketing pourrait rendre socialement et juridiquement invisibles les problèmes de jeu avec quelques mots ou arguments bien placés. Depuis la crise sociale des ALV, il n’y a plus cette naïveté au Québec.
Puisqu’on parle de science. Je n’ai aucune idée de la manière dont on aurait pu vérifier le conseil numéro 1 : « Rappelez-vous qu’il est plus facile de perdre la notion du temps et le contact avec la réalité lorsqu’on joue en ligne. » À ma connaissance, les ALV sont toujours champions à ce titre. Est-ce que ce conseil figure en premier parce que Loto-Québec offre des outils faisant uniquement appel à l'auto-contrôle? Ce n'est pas déraisonnable de le croire.
Il y aurait eu bien d’autres conseils à donner avant celui-là. Le risque du jeu à domicile réside d’abord dans le fait qu’on joue avec une carte de crédit, sans visibilité sociale, au moindre instant libre … et en entretenant un optimisme irréaliste à l’égard de développer des problèmes de jeu.
Ceci est sans compter que le risque de fraude est beaucoup plus présent qu’apparent. Notamment, dans le cas du poker, le joueur isolé peut facilement être victime de partenaires qui se communiquent leurs cartes, soit par téléphone ou parce que les ordinateurs de certains joueurs se situent dans une même pièce à la vue de chacun. Il n’est pas vrai que ce sera si facile à détecter pour Loto-Québec. N’importe quel bon spécialiste de la psychologie peut programmer un algorithme gagnant comportant néanmoins des erreurs pseudo-humaines qui déroutent les logiciels de détection. L’histoire d’Isildur1 passionne autant les psychologues que les joueurs de poker.
Le conseil 3 propose de choisir des sites avec possibilité d’auto-exclusion. Que va faire le joueur qui commence à perdre le contrôle sur sa dépense au jeu quand il va s’auto-exclure? Tricoter, faire le ménage, prendre une marche? Quand le joueur commence à perdre le contrôle sur sa dépense au jeu, il perd de l’argent qu’il n’avait pas les moyens de perdre. Il a impérativement besoin de se refaire. S’il s’est auto-exclu d’un site à prétention sécuritaire, il va, par nécessité, se diriger vers un site qui lui permet de continuer à jouer.
Dans le cas d’EspaceJeux en particulier, ce site étatique est justifié par le motif de récupérer une fuite économique. Pour y parvenir, il ne faut surtout pas repousser les joueurs problématiques vers les sites internationaux. Quand des problèmes de contrôle commencent à se manifester, il n’y a qu’une solution : discuter avec un spécialiste du jeu pathologique. Les tentatives de modération, incluant l’autoexclusion des sites de jeu en ligne, ne font qu’enfoncer les joueurs dans des pertes d’argent qu’ils ne peuvent se permettre de perdre. Le pouvoir de s’arrêter de jouer s’en trouve continuellement amenuisé.