Le discours contre les actes.
Mardi, lors du point presse du porte-parole du gouvernement Sarkozy, François Baroin n'avait rien à dire, dans sa communication officielle, sur le chômage, la précarité ou cette récente information, révélée lundi dernier : on apprenait en effet que 378 000 foyers aux revenus supérieurs ou égaux à 5 300 euros par mois avec un enfant et 6 400 euros avec deux enfants sont logés ... en HLM. 53 000 d'entre eux déclarent même des revenus supérieurs à 11 000 par mois. Lors du conseil des ministres du jour, on a préféré parler économies d'énergie (Eric Besson), bilan de l'année de la biodiversité (NKM), réforme des chambres de commerce et d'industrie (Frédéric Lefebvre), plan de lutte contre le sida (Xavier Bertrand), et propositions de la Commission européenne pour la relance du marché unique (Christine Lagarde). Non pas que ces sujets ne soient pas importants, mais ils sont complètement hors de propos avec l'actualité du moment : les Bourses dévissent, le chômage s'envole, la précarité s'aggrave. Quand François Baroin déroula donc ses différents sujets, la caméra d'Elysée.fr avait quelque peine à masquer les bâillements et distractions de l'assistance.
L'attention gouvernementale était ailleurs : les « marchés » ont pris le dessus. La spéculation s'emballe.
François Fillon a brandi, comme un sparadrap au secours d'un grand blessé, l'idée d'inscrire l'interdiction du déficit dans la Constitution. L'idée est d'imposer à chaque gouvernement, par une modification de la Constitution, un engagement pour cinq ans sur une « trajectoire » de réduction des déficits. Tout est bon ou nécessaire pour rassurer les traders du monde, y compris baisser sa culotte de gaulliste repenti. Il faut « rassurer avant tout », décode le Figaro. L'Elysée est tellement occupée par la panique intertionale que François Fillon a finalement les coudées franches : « C'est le premier ministre qui gère, on ne peut pas tout faire. » a confié un conseiller présidentiel. Il lancera une consultation d'ici quelques semaines auprès des différents partis : « Ce sera le sujet du début d'année.»... Si l'Espagne n'a pas fait faillite d'ici là.
Le problème principal est qu'aucun de ses sujets n'était prévu dans l'agenda officiel.
La lente envolée du chômage
Le chômage n'est plus un problème. Vous n'étiez pas au courant. C'est réglé. La reprise est là. Circulez. On pourrait pourtant revenir sur le vrai bilan, publié il y a 8 jours. A la publication des statistiques du mois d'octobre, Xavier Bertrand, tout nouveau ministre du Travail, s'est réjoui. Pensez-vous ! Pôle emploi répertoriait 22 900 inscrits de moins dans sa première catégorie, celles et ceux sans aucune activité. On entend toujours les mêmes commentaires officiels : en octobre 2007, Christine Lagarde nous promettait un chômage sous la barre des 5% de la population active en 2012. Trois ans plus tard, crise oblige, la ministre de l'économie en était réduite à commenter des hausses comme des bonnes nouvelles. En mars 2010, elle se réjouissait déjà : « En février c'est une hausse inférieure à celle de janvier.» En juin 2010, Lagarde constatait que « l’augmentation du chômage en France depuis le début de la crise est un peu plus faible que dans la zone euro. » Fin septembre, elle commentait : « On descend graduellement et on améliore la situation ». En août dernier, Lagarde notait « avec satisfaction » « une stabilisation globale du marché du travail depuis le début de l'année ». Et en octobre ? En octobre, on n'écoute plus.
Cette fois-ci, une lecture exhaustive des chiffres communiqués par le ministère du travail donnait quelques informations terrifiantes. A fin octobre 2010, quelques 4,6 millions de personnes étaient toujours inscrites à pôle emploi dans les 5 catégories habituellement recensées.
- Les radiations administratives (+5,5% sur un mois, +14% sur un an) ou « pour défaut d'actualisation » (210 000, soit +17% sur un mois et +11,4% sur un an) en octobre ont augmenté. Comme le rappelait Intox2007, il suffit de rater de quelques clics à la fin du mois lors sa réactualisation de situation pour sortir ainsi des statistiques.
- L'inactivité de longue durée a encore augmenté.
- Les licenciements économiques ont cru de 10% en un mois.
- Les plus de 50 ans inscrits à Pôle emploi sont toujours plus nombreux (+1,2% d'inscrits sur le mois et +16% sur un an).
- Certaines régions deviennent des zones sinistrées de l'emploi (Alsace, Corse, Franche-Comté, Pays-de-Loire, Rhône-Alpes).
- Les reprises d'activité ont baissé (de 2,2% en octobre versus septembre).
- Le nombre d'offres d'emploi collectées par pôle emploi a baissé (271.000 offres, en baisse de 1,5%).
- les radiations pour maternité, maladie ou retraite ont explosé (de 7,9% en un mois).
Le chômage ne serait plus un problème. Vraiment ?
A l'Elysée, on préfère parler de la « dépendance », plus consensuelle. Voici donc la prochaine arnaque sarkozyenne.
Dépendance, la belle arnaque.
Dans un long article, Laurent Mauduit, pour Mediapart (*) décrypte le débat sur la dépendance, le nouveau grand chantier social de Nicolas Sarkozy d'ici la fin de son mandat. Notre confrère Slovar l'évoquait déjà en juin dernier. De déclarations en promesses, de Sarkozy(s) à Fillon, les contours du débat se dessinent. Et une nouvelle privatisation de la sécurité sociale aussi.
Le planning annoncé par Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée le 16 novembre dernier est de présenter la réforme au Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale débattue à l'automne 2011 pour l'exercice suivant. D'ici là, a promis François Fillon dans sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale le 24 novembre, une grande « concertation nationale »sera lancée. Sarkozy veut créer une cinquième branche de la Sécurité sociale, aux côté de la maladie, de la retraite, de la famille et des accidents du travail. Quels sont les termes du débat proposés ?
La première tartuferie est de faire croire que la dépendance n'est pas traitée aujourd'hui; c'est tout le sens de la formule choisie, la création d'une cinquième branche de la Sécu. Or, comme l'ont confirmé François Fillon, le 24 novembre, puis Roselyne Bachelot, le 26 novembre, la dépendance est d'ores et déjà financée à hauteur de 22 milliards d'euros en 2010 d'ores et déjà financés par l'Etat (17 milliards) et les départements (5 milliards). Le problème est ailleurs : la dépendance va coûter de plus en plus cher à cause du vieillissement de la population.
La seconde tartuferie est d'abriter la piste de l'assurance privée sous l'égide de la consolidation de la Sécurité sociale. Sarkozy expliquait que la dépendance était « le plus souvent un risque assurable qui peut être couvert en partie par des produits financiers innovants ». Et le 16 novembre, il avait avancé : « Faut-il faire un système assurantiel ? Obliger les gens à s'assurer ? Faut-il augmenter la CSG ? Faut-il avoir recours à la succession quand les enfants n'ont pas la volonté ou pas les moyens ? » Huit jours plus tard, Fillon renchérissait : « Il faudra ensuite sérier les pistes de financement : assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle ? » Et le 26 novembre, Bachelot complète sur «l'éventuelle mise en place d'une assurance privée? » : «Je ne veux pas encore me prononcer. Le débat à venir sera aussi un débat de prise de conscience pour nos concitoyens. Les Français devront s'exprimer sur ce qu'ils jugent être la meilleure solution.» La ministre des Solidarités disqualifie presque l'une des trois pistes évoquées par Sarkozy, le recours à la succession, une mesure qui pourtant, si elle est correctement calibrée, pourrait permettre d'imposer aux plus riches d'utiliser leurs héritages, désormais quasiment intégralement exonérés de droits de succession, de contribuer à la prise en charge de la dépendance. Mais pour Bachelot, cette piste présente surtout des inconvénients : « le recours sur succession peut créer un phénomène d'exclusion. Beaucoup de personnes risqueraient de se passer d'une aide pour ne pas «priver» leurs enfants d'une partie d'héritage.»
Le 23 juin dernier, une députée UMP, Valérie Rosso-Debord, a remis un rapport d'information à l'Assemblée nationale sur la prise en charge des personnes dépendantes, rapport derrière lequel Roselyne Bachelot s'est abritée le 26 novembre dernier quand elle a lancé le débat voulu par Nicolas Sarkozy. L'ampleur du phénomène est expliqué, les prévisions sont explicites. Et la députée n'hésite pas à prévenir que le « contexte de finances publiques exsangues » obère l'avenir : « Alors même que les prélèvements obligatoires français sont parmi les plus élevés des pays industriels, l’écart croissant entre les recettes et les dépenses est à l’origine d’un déficit chronique et l’endettement de la France s’est accru en conséquence au fil des années.» Autrement dit, on ne doit pas augmenter les impôts et cotisations, la dépense publique va augmenter, donc ... privatisons !
La députée Rosso-Debord ne se prive pas de recommandations, notamment en matière de financement :
- elle propose le recours à la succession, pour les héritages d'au moins 100 000 euros, mais plafonnée à 20 000 euros par succession. Pourquoi prévoir un tel plafond si ce n'est protéger les plus riches ?
- elle suggère aussi de « rendre obligatoire dès l’âge de cinquante ans, la souscription d’une assurance perte d’autonomie liée à l’âge », auprès de mutuelles, d'une société de prévoyance ou d'une compagnie d’assurance. La proposition était prévisible. Par précaution, Mme Rosso-Debord complète : il faudrait assurer « l'universalité progressive » de cette assurance via « la mutualisation des cotisations et la création d’un fonds de garantie ». Cette universalité consisterait en fait en un simple label pour sociétés d'assurance privée.
- Pire, la recommandation suivante consiste à « maintenir à titre transitoire une prise en charge publique », précise-t-elle, « en attendant que l’assurance dépendance puisse se substituer au régime actuel de l’allocation personnalisée d’autonomie.» Vous avez bien lu.... cette grande cause nationale serait financée par la solidarité nationale... « à titre transitoire ».
La troisième tartuferie est la discrétion officielle sur le rôle des frères Sarkozy dans le secteur de l'assurance privée. Deux frères du président Sarkozy y sont très actifs. Le premier, François, conseille les frands du secteurs sur les meilleurs placements dans le secteur de la santé. L'autre, Guillaume, est le délégué général de Malakoff-Médéric, travaille ainsi activement à un projet de « joint-venture » conclu avec la Caisse nationale de prévoyance , une filiale de la Caisse des dépôts. Le projet Médéric/CNP vise le marché de l'assurance privée, retraite et autres diversifications. Mediapart a publié la plaquette d'information relative au projet. Et en février dernier, Guillaume Sarkozy s'expliquait déjà, publiquement, sur les grands enjeux de la dépendance, lors d'un déjeuner de presse organisé par l'institut de l'entreprise. Avec 9 mois d'avance sur son petit frère de président... Il sensibilisa l'assistance sur le fait que « la dépendance coûte 19 milliards d’euros, ce qui représente environ 15 % du coût des dépenses de santé ou 10-12 % du coût de la retraite.» Le frère du président exprimait déjà son soutien à une assurance privée obligatoire, un vrai bon contrat juteux pour son nouvel employeur : « pour ce qui est de l’assurance collective, Guillaume Sarkozy plaide en sa faveur avec un régime par point pour un montant de 11,50 euros par mois, comme le propose Malakoff Médéric, permettant d’obtenir une rente d’environ 450 euros si l’on cotise de 40 à 75 ans. » La boucle est bouclée...
Ce scenario n'est pas l'élucubration de quelque cerveau gauchiste dérangé. Les mêmes conclusions sont à lire dans le Point.
Ami sarkozyste, pourras-tu assurer tes parents ?
(*) article payant.