Vampire Chronicles – La légende du roi déchu

Par Jibouille

Akabara est le roi des vampires mais il a tout perdu quand sa femme, Adelheid, a failli détruire le monde. Traqué par les humains, les vampires et les dhampires, Akabara cherche Adelheid, qui fut enfermée pour contenir son pouvoir. Mais son plus grand ennemi est le Cygne Noir, un guerrier implacable, créé spécialement pour le combattre et qui possède la faculté de se réincarner.

Les vampires sont à la mode en ce moment mais ce manga parvient à tirer son épingle du jeu en proposant quelque chose d’assez neuf et surtout de vraiment poignant.

En effet, Vampire Chronicles est une véritable bombe scénaristique, ce qui constitue son point fort. Même si le premier tome est une introduction alléchante, les autres tomes se suivent à la perfection. Pourquoi? Tout simplement parce que la mangaka parvient avec brio à nous balancer des révélations à des moments clefs, qui relance totalement la machine alors qu’on pouvait penser que le tout s’essoufflerait. Jusqu’au bout, il est difficile de trouver toutes les réponses et de recomposer le puzzle du début. Je vois d’ici les questions que vous pouvez vous poser. Est-ce que c’est pas un peu trop justement et que la crédibilité n’en prend pas un coup? Pas du tout car tout s’emboite à la minute près et si quelques zones d’ombre pouvaient subsister en cours de route, en partie à cause des nombreux rebondissements, elles sont éclaircies à la fin. Même après avoir relu plusieurs fois le manga, j’avoue ne pas avoir trouver la moindre faiblesse. Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un scénario aussi bien ficelé, passionnant et captivant.

Les personnages ont une place importante dans cette réussite. Akabara est ce que l’on pourrait appeler un roi déchu car même s’il semblait bien veillant lorsqu’il était roi, il apparait complètement différent de nos jours. Enfin, pas tellement. Dès le début, on sent que Akabara n’est pas l’être mauvais et sans émotion qu’il laisse paraitre, loin de là. D’une certaine manière, il s’affiche comme un sauveur, voir un messie, pour les humains, et ceux à plusieurs reprises. D’une part pour ce qu’il s’est imposé. Je ne peux pas révéler ce point car il est vraiment à la base de tout mais je peux vous dire que plus maso, faut chercher. Aucun homme ne pourrait supporter ce qu’il porte comme fardeau, pour des raisons qui sont profondément humaine, et qui s’apparente à une malédiction (sur la forme). D’autre part car il demeure, de par sa puissance incommensurable, le seul espoir de l’humanité face à une plus grande menace. D’ailleurs, ce point est intéressant car jamais on ne voit cette menace, sauf de loin, mais par contre, on insiste beaucoup sur le fait qu’Akabara est la solution. Il faut y voir plus une métaphore qu’une réalité. Si la menace n’est jamais représentée, n’est-ce pas parce qu’elle est en vérité, la représentation symbolique d’une humanité corrompue et décadente? Pour ma part, je le crois.

D’ailleurs, le manga n’hésite pas à user de ces symboles pour tirer un portrait de l’humanité dans son ensemble. Il faut entendre par là les humains, les dhampires et même les vampires qui demeurent incroyablement humains. Le message est très clair: la paix. Plusieurs fois il est fait allusion au fait que les personnes, quelques soient leurs origines, devraient se battre pour vivre ensemble et non pas pour s’entretuer. Et dans ce chaos, Akabara a encore un rôle que l’on ne voit pas tout de suite: celui de pacificateur. Certes il se bat, tue et traque, mais il le fait pour une raison précise (encore une fois, que je ne peux pas vous dire). Il est l’élément alpha, qui vit parmi les autres mais qui ne s’incorpore dans aucun schéma. Un électron libre qui a une utilité évidente car il ressert les liens entre les gens, même d’origines différentes, pour le bien commun.

Les autres personnages ne sont pas mauvais non plus mais sont incontestablement marqués par le roi vampire. Bridget en est le meilleur exemple car elle est devenue froide et calculatrice, après la trahison d’Akabara, mais qui perd de son intérêt assez vite, une fois que les secrets principaux sont dévoilés (elle perd en fait ce qui faisait son charisme). Le pire est que ce schéma peut s’appliquer à tous les autres, qui s’effacent de plus en plus à mesure que le scénario se dévoile et qu’autres personnages apparaissent. Une fois que l’un d’eux perd sa raison de se battre, il perd complètement son rôle dans l’histoire, jusqu’à disparaitre. Jin représente bien ce cas puisqu’il apparait comme l’ennemi juré du roi vampire au début mais finit par s’effacer lentement au profit des autres protagonistes, qui sont bien plus profond que lui dans leur réflexion. Faut avouer, Jin est le crétin type, qui tape d’abord et pose les question ensuite, quand il en trouve.

Le seul à gagner en intensité est le Cygne Noir, ennemi intime d’Akabara. La raison est toute simple, ou plutôt les raisons. D’abord, on voit deux réincarnations de ce guerrier implacable et qui sont très différentes, voir même opposées. Ensuite, parce qu’il est le personnage qui évolue le plus dans l’histoire. Sa condition l’explique beaucoup mais également les révélations faites tout au long des 9 tomes. Ce guerrier est présenté en quelque sorte comme l’opposé d’Akabara, même si son statut change aussi, beaucoup sur la fin que les autres. Lui aussi a le droit à son lot de révélation, qui sont toujours aussi étonnantes. Bref, les personnages sont bons car ceux qui ne sont plus « utiles » sont mis de coté, ce qui évite d’avoir une tonne de protagonistes qui n’ont rien à faire.

D’après les personnages, on peut donc tirer un portrait du mythe du vampire. Rien de bien nouveau puisque le vampire est fort, manipulateur, craint, gravement allergique au soleil, intime avec la lune et surtout attirant. Mais ce qui change, et représente donc le point le plus intéressant, c’est le rôle qu’il a dans la société. Les vampires ne sont plus invisibles aux yeux du monde, du moins dans les temps reculés. L’idée de cohabitation revient souvent comme une solution car le vampire n’est pas décrit comme un être mauvais, même si les humains s’en méfie. D’ailleurs, le fait qu’un homme demande à un vampire (qui plus est le plus dangereux) de sauver la Terre d’une grande catastrophe est un événement marquant, qui prouve bien le rapport complexe entre humains et vampires. En réalité, le vampire est plutôt un observateur de la nature humaine et de son évolution, aussi bien technologique que morale, et se veut parfois guide. Akabara est bien sûr le juge le plus attentif car il aime l’humanité et qu’il parcourt le monde. Je dirai que les vampires sont neutres dans les points de vue qu’ils tirent des humains et des autres espèces. Ils sont sages et conscient de ce qui doit être.

Mais je mettrai un bémol à ce joli tableau. Le scénario est très bien ficelé; le dessin est très agréable et détaillé, proche de celui des shojo, il faut bien l’admettre; les personnages sont travaillés et bien utilisés; mais la fin pose problème. Elle n’est pas mauvaise mais elle fait tache dans le scénario incroyable. Pourquoi? Parce qu’elle est trop simple et ne colle pas avec les révélations et les rebondissements auxquels on s’est habitué. Du coup, quand vient l’ultime moment, on se dit que cette fin ne s’inscrit pas bien du tout dans l’ensemble. Alors oui, ce n’est pas chose rare dans les manga mais dans Vampire Chronicles, on était en droit d’attendre une fin de qualité et qui sort des sentiers battus. Ce qui est révélateur, c’est que l’auteur lui-même l’avoue à demi-mot dans une sorte de conclusion où il dit avoir manqué de temps. Sans doute est-ce parce que lui même n’en est pas totalement satisfait.

Mis à part ce point qui arrive très tard, Vampire Chronicles est un très bon manga qui, sans renouveler le mythe du vampire, propose autre chose. Si vous cherchez une série courte et de qualité, ce manga est pour vous.