D’abord, une ouverture, Backslash, dans un superbe espace rue Notre-Dame de Nazareth, avec de jeunes artistes (je ne connaissais guère que Frédéric Léglise dans le lot) : une vidéo de dessins (à la Kentridge) de Jan Kopp, ‘le Tourniquet’, vision poétique des HLM et des rideaux flottant dans le vent au dessus d’un magasin nommé Le Mutant, des ‘tags informatiques (’Error 404′) de RERO et de très oniriques photographies de la danoise Astrid Kruse Jensen, comme dans un conte de fées troublant (‘She was looking for herself’ci-contre). Bonne chance !
Une belle série de nus d’Eric Poitevin à la galerie Nelson-Freeman (jusqu’au 22 janvier), nus peu gracieux sur lesquels le regard du photographe se pose de manière froide, clinique, objective, sans sympathie. Au contraire, tout près, la galerie Peyroulet montre (jusqu’au 22 janvier) d’atroces photographies historiques qui ne laissent pas indifférent : charniers des camps, supplices chinois, champignon atomique et une excision en gros plan; ça fait froid dans le dos, avec, à côté des oeuvres de Matta, de Hocine et de Fouad Elkoury. Seul le titre vous réconforte “Some day, we’ll all be free’. Maybe…
Stéphane Vigny, chez Claudine Papillon (jusqu’au 23 décembre), construit des objets étranges à partir du quotidien, c’est très déroutant. Dans la vitrine de Jean Brolly (jusqu’au 30 décembre; l’intérieur, avec, entre autres, Simon Boudvin, est aussi très bien), on retrouve ‘Marie R.’ de Paul-Armand Gette, vue cet été à Alès. Reprenons : ”de Marie R., on ne voit que la bouche, les lèvres humides entrouvertes et bien rouges, quatre dents luisantes, quelques poils follets et ce piercing à deux boules dans la lèvre inférieure. Ces deux sphères-là sont un mystère, il faut les scruter comme le miroir des Arnolfini: ces miroirs convexes sont-ils une insertion auctoriale, une représentation de l’artiste en train de photographier, témoignant de sa présence alors qu’il n’est plus là ? Peut-on voir dans ce trouble reflet spéculaire Paul-Armand Gette ainsi immortalisé ? Est-ce là le dévoilement de l’artifice, la révélation du scénario du tableau-photo en train de se faire, comme le fut (en premier) le reflet dans la cuirasse d’une Madone de van Eyck, où on peut deviner non sans peine le peintre au travail ? En tout cas, il est fascinant d’entrevoir, au détour d’un piercing, une réflexion sur l’instauration du tableau remontant aux Flamands du XVème siècle.”
Enfin, il fallait aller voir, à l’Espace Cardin rue Saint-Merri, l’exposition des résidents de la Casa de Velazquez (mais c’est fini; prochaine étape la Villa Clisson à Lemot, jusqu’au 31 janvier)). Outre les photographies hyper-lumineuses de fresques religieuses d’Aurélia Frey et les gravures de vêtements d’Anne-Catherine Nesa* qui semblent ruisseler du sang des absents (’Robe 2′), j’ai aimé les paysages hugoliens à l’encre d’Amélie Ducommun et surtout, en bas, les photographies de Blaise Perrin, à la rencontre de Justo Gallego Martinez, bâtisseur de cathédrale dans son jardin : on ne voit jamais l’ouvrage dans son ensemble, on n’en mesure jamais l’échelle, mais les photos montrent des détails lumineux émergeant de la pénombre, les outils du bâtisseur et ses mains; c’est superbe !
* Full disclosure : le texte du catalogue sur Anne-Catherine Nesa est de ma main.
Photos Gette de l’auteur. Paul-Armand Gette étant représenté par l’ADAGP, les photos de son oeuvre seront retirées du blog à la fin de l’exposition.