Les politiciens prétendent toujours ne pas être des politiciens, mais Nigel Farage soulève un point intéressant. Ses mémoires, si c’est là le bon terme pour un livre publié à mi-vie, ne sont pas ce que vous en avez lu : naïves, à bout de souffle, occasionnellement crues, complètement plausibles, et elles se lisent très bien.
Elles racontent la transformation d’un bonhomme typique des comtés qui entourent Londres, en leader d’un parti qui est arrivé deuxième aux dernières élections européennes. Quand je dis typique, je suppose que je veux dire le type souvent rencontré dans les vers de Betjeman et dans les nouvelles sur le golf de PG Wodehouse (Wodehouse était, comme farage, un garçon de Dulwich obsédé par le Cricket). Les principaux centres d’intérêts de Farage dans la vie étaient , et sont peut-être toujours, sous tout le reste, les pubs, le golf, les femmes, le criquet et la pêche. Un profil qui se prête facilement à la satire, mais qui a produit ses grands hommes, Denis Thatcher n’étant pas le moindre.
Nigel Farage, c’est Denis Thatcher sous speed. La nuit où il a été élu au parlement européen, la première question de notre journaliste de télé local, Phil Hornby, était : « Alors, à partir de maintenant, ça va être les déjeuners à n’en plus finir, les généreux dîners, les réceptions au champagne : allez-vous être corrompus par cette vie? »
« Non », a répondu aimablement Nigel, « j’ai toujours vécu comme ça. »
Cette façon d’être n’est pas du goût de tout le monde ; mais son authenticité est indubitable. Nigel est tout aussi authentique dans son livre, quand il se lance à répondre à la question centrale de son existence. Comment un jeune homme de 18 ans avec un handicap de 6 au golf et un boulot à la city est-il devenu un activiste anti UE à plein temps? Je le laisserai répondre avec ses propres mots : « je ne suis pas entré en politique par philanthropie mais plutôt comme une extension de mon agacement à voir mes libertés ancestrales violées par des idiots assoifés de pouvoir. »
Nigel a un charme démotique. Dans un commentaire à mon sujet qui m’est revenu par une tierce personne, il a dit une fois, « Dan [Hannan] sait parler aux journaux sérieux, moi je sais parler aux tabloïdes ». C’est vrai, et son talent est le plus grand des deux : ce n’est pas un hasard si les journalistes des tabloïdes gagnent deux fois plus que ceux des journaux sérieux. Comme la plupart des gens qui ont la touche populaire, Nigel a plus de connaissances qu’on ne le réalise au premier abord. L’histoire de sa vie a pour battement de cœur les idées qui le meuvent : le libertarianisme, le particularisme britannique et (au sens d’être le champion des gens contre les élites) le populisme. Son livre est étonnamment plein d’allusions littéraires et historiques discrètes. Son titre, « Fighting Bull », se réfère (en plus de l’évidence quant à sa personnalité et a « combattre les bobards »), au viol d’Europa par Zeus : Nigel a une métaphore amusante sur les élites de l’Europe entubant les peuples, ce qui, bien sûr, nous ramène adroitement en territoire vulgaire.
Terrestre, Hogarhtien, et absolument honnête, le livre reflète son auteur. Il devrait plaire à des gens qui ne votent pas UKIP comme aux partisans de Nigel. De fait, Nigel est aussi au courant que n’importe qui de la nature farfelue, chicanière et mal dégrossie de son parti : trois de ses quatre prédécesseurs se sont fâchés avec les activistes (sans compter le présentateur de télé Kilroy qui n’est pas arrivé à devenir leader). Mais ces activistes sont eux aussi héroïques, à leur manière. Nigel se rappelle les disputes furieuses, vers la moitié es années 90, sur est-ce que, oui ou non, les eurodéputés UKIP devraient siéger s’ils étaient élus. A cette époque, quand UKIP tenait son assemblée générale à l’étage des pubs, la question aurait frappé tout observateur sain d’esprit comme purement académique. Mais, contre toute attente, ça s’est révélé tout sauf.
Et ça, c’est pour une très large part du au leader actuel du parti. Je me demande si UKIP réalise combien il lui doit. Bref, achetez le livre, il vous plaira.
Repris du blog de Daniel Hannan hébergé par le Télégraph, avec l’aimable autorisation de son auteur.