Reviens-moi: un drame sobre et poignant

Par Rob Gordon
On dit souvent qu'un ensemble vaut mieux que la somme des parties qui le composent. En ce qui concerne Reviens-moi, c'est on ne peut plus vrai. Si chaque domaine semble perfectible, on voit mal comment le film aurait pu être meilleur. Ce n'était pourtant pas gagné : de l'extérieur, le film de Joe Wright ressemblait à une énième bluette autour de l'histoire d'amour d'une infirmière et d'un soldat pendant la guerre. C'est en fait beaucoup plus que ça : adaptant un roman de Ian McEwan, Wright traite des apparences, du trouble, de l'existence et de l'inexistence, dans un drame sobre et réellement poignant.
La première partie du film relève à la fois de la comédie de moeurs, du polar à l'anglaise et de la tragédie grecque. Ou comment un concours de circonstances constitué de micro-accidents peut mener à la perte d'un ou plusieurs individus. Cruelle mais traitée de façon assez classique, cette première heure est assez satisfaisante. On pourrait s'agacer de la mise en scène un peu trop vaporeuse, ou du jeu un peu frêle du couple Knightley/McAvoy ; mais non. Tous les petits défauts du film tendent bizarrement à lui donner plus de charme, d'intérêt, d'originalité.
Vient la seconde moitié : deuxième guerre mondiale, loin des yeux près du coeur, tout le tintouin. Là encore, si l'on considère chaque scène indépendamment des autres, il y a de quoi crier au mélo, au cliché, au scandale. Mais non : pris dans sa globalité, Reviens-moi libère une pleine cargaison de frustration et de cruauté. Difficile d'en dire plus, tant le film slalome entre le très attendu et le très surprenant. Une chose est sûre : c'est beau. D'autant que la mise en scène de Wright finit par se révéler parfaitement adaptée au sujet. On n'aurait pas cru cela du réalisateur d'Orgueil et préjugés, qui révèle un potentiel insoupçonné. Le long plan-séquence sur la plage est un parfait exemple de son aptitude à concilier le très technique, le très brutal et le très émouvant. Même si d'autres films le mériteraient sans doute davantage, ça ressemble à s'y méprendre à un film à Oscars...
8/10