L’avantage des partis politiques remplis de clowns et de bouffons, c’est qu’ils offrent tous les jours une actualité riche en rebondissements comiques. Prenez l’un d’eux, le Parti Officiellement Socialiste : à peine Montebourg, le gentleman farmer, aura-t-il présenté sa nouvelle ligne de vêtements cools, que le voilà suivi par Ségolène qui nous propose un nouveau service de présidentitude rigolo, alors même que la gauche voit se multiplier les candidats d’opportunité…
Et avec Ségolène, on est absolument sûr d’en avoir pour son argent : la poilade magistrale qui accompagne chacune de ses interventions dans les médias compense largement les ardoises astronomiques qu’elle accumule au cours de sa carrière, et couvre assez bien les casseroles qu’elle trimbale maintenant comme des accessoires de mode.
Ce comique de répétition tient, finalement, à peu de chose, mais ce sont les plus vieilles recettes qui font les meilleurs plats. En gros, il s’agit dans un premier temps d’annoncer fièrement qu’on va jouer la concertation, le travail d’équipe et le collectif.
« C’est d’une décision collective et d’un dispositif collectif que nous réussirons à battre Nicolas Sarkozy. C’est pour ça que je me rapproche de Martine Aubry, c’est pour ça que je suis en contact avec Dominique Strauss-Kahn, parce que je pense que le moment venu, nous aurons à décider, tous les trois, ensemble. »
Mais bien vite, le collectif tourne rapidement au personnel, un peu à l’image du foot en équipe de France : les passes au voisin sont bizarrement de plus en plus molles jusqu’à devenir inexistantes, et rapidement, les coups fourrés, les petits tacles rapides et les attaques en solo reprennent le dessus.
La tactique Ségolène, c’est justement de ne pas s’encombrer de tactique, de pousser le n’importe quoi en art de vivre. On fonce, on éparpille, on latte à droite et on mord à gauche : l’important n’est pas réellement de savoir où l’on va, mais d’y aller le plus vite possible et, si c’est envisageable, en bousculant le maximum de ténors sur la route.
C’est donc officiel : Ségoléo, le Service Démocratique de Présidentitude est lancé.
On pourrait croire à la précipitation, mais en réalité, tout avait été préparé minutieusement :
« Je sais d’expérience qu’il faut plus que quelques mois pour se préparer et pour rassembler. J’ai longuement réfléchi et beaucoup consulté ».
Cela s’est passé très précisément vendredi dernier, à la cafèt’, entre 13H03 et 13H42. Ces trente-neuf minutes d’intense concentration et de puissante concertation auront permis à la candidate d’oublier complètement ce qu’elle disait il y a encore six mois. Il est vrai qu’en six mois, on peut en faire des choses ; mais on a tout de même cette petite impression que neuf (ou douze, ou vingt) n’auraient pas été de trop pour éviter un prématuré.
Car à vrai dire, tout ceci ressemble de loin à une resucée de 2002 où, pour permettre aux Français de bien exprimer un vote à gauche en se répartissant dans toutes ses nuances, des plus pastelles aux plus pourpres, on avait abouti à une pléthore de joyeux gagnants à la claque électorale, avec le résultat que l’on sait.
D’ailleurs, je ne suis pas le seul à tenir cette analyse. Cette magnifique bousculade pour la magistrature suprême dénote du même esprit qui anime la gauche depuis pas mal de temps maintenant : il ne s’agit pas réellement de combattre les idées de la droite, il ne s’agit pas non plus, pour ce faire, de présenter celui des candidats qui a les concepts et le programme politique les plus aboutis pour rassembler et faire front. Non non. Il s’agit, comme d’habitude, de trouver le candidat qui pourra battre la droite, battre ce parti, et seulement ça.
Mais je ne voudrai pas gâcher la ferveur politique des groupies qui, déjà, expriment leur joie à l’idée que leur pouliche leader se présente, altière, sabre au clair, à l’assaut d’une montagne qu’elle a déjà gravi lentement et dégringolé très vite, la marque d’une grolle taille 38 encore imprimée au derrière.
C’est ainsi que Delphine Batho nous explique que cette nouvelle candidature (après celle, officielle, de Montebourg, et celles, officieuses, de DSK, Aubry, Valls, Hamon, j’en oublie, …) est « une très bonne nouvelle pour toutes celles et ceux qui veulent que la gauche ne rate pas le rendez-vous de 2012« . Et quel rendez-vous ! Tel que c’est parti, c’est un rendez-vous avec Marine et j’entends déjà les petits pleurnichements du bouquet de candidats.
Et sans même considérer les exclamations un peu Batho, les groupies semblent trouver parfaitement normal qu’après tout, Royal ajoute à l’entropie socialiste : Belkacem nous assure ainsi que « Le fait d’avoir adhéré à un dispositif gagnant pour le Parti socialiste ne valait pas renoncement à sa propre candidature. »
Mieux, un peu plus loin, la même militante nous explique que pour Ségo, cette candidature, « C’est une façon de lancer le mouvement. Et Ségolène Royal sait très bien faire cela. » Là encore, de loin, n’importe qui appelerait ça « remuer la merde », mais il faut probablement faire osmose avec le parti, l’avoir chevillé au corps, pour analyser plus finement la situation : la candeur rafraîchissante dont elle fait preuve en appelant le bordel de gauche « dispositif gagnant » permet de prendre toute la mesure du travail qui reste à accomplir pour que ce parti devienne autre chose qu’un repaire d’arrivistes azimutés.
Une chose reste sûre : à ce rythme de candidatures et d’aventures internes, le parti socialiste va pouvoir me fournir un sujet de billet par semaine.
Au minimum.