Dimanche 28 novembre, après Le Village français, série très bien écrite et originale, on a pu voir une suite d’interviews de personnes ayant vécu la seconde guerre mondiale.
Ces interviews, morcelés en séquences d’une quinzaine de secondes, s’enchaînaient sans aucun commentaire, aucun éclairage, qui les auraient mis en perspective. Ce type de montage est le symptôme du glissement qui s’est opéré à la télévision depuis quelques années dans la construction de la vérité. A force de considérer comme plus authentique que tout autre preuve le “sentiment” de tout un chacun, à force d’écouter la “vérité” de chacun, on finit par présenter un moment important de l’histoire de France comme une suite de perceptions individuelle. Du même coup, c’est l’idée même d’histoire que l’on est en train de modifier. On présente le témoignage est en soi une preuve intangible, alors qu’il n’est qu’un matériau à partir duquel travaille les historiens. On fait croire aussi que la vérité doit s’exprimer sans médiation et non par une construction méticuleuse.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la parole des témoins, qu’on ne doit pas soupçonner de manquer de sincérité. Leur mémoire, en revanche, est faillible. Et ce n’est pas leur faire injure que de dire qu’elle est subjective. En enchaînant sans aucune mise à distance les interviews, ce court programme, qui ne remet pas en cause les qualités fictionnelles du Village français, entérine une coupure épistémologique qui touche l’ensemble de la télévision et d’internet: il étaye la promesse démagogique que ce sont les acteurs de l’histoire qui l’écrivent et que les médias d’aujourd”hui ne sont plus des médias, précisément, mais des hauts-parleurs qui amplifient la voix de n’importe qui sans la déformer. Il sous-entend, par ailleurs, que les experts, en l’occurrence les historiens, déforment la réalité par leur travail sur la matière brute.
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