Alea jacta est : British Airways et Iberia seront bientôt une et indivisible, regroupement construit sur un fort consensus binational. Le modčle retenu, celui d’Air France-KLM et du groupe Lufthansa, est prudent mais efficace, en męme temps qu’il ménage prudemment les susceptibilités. Chacun des compagnies gardera en effet sa marque, son identité et sa culture d’entreprise, sous le contrôle d’une société holding.
Contrairement ŕ ce qui aurait pu se dire il y a une dizaine d’années, il n’est pas question de craindre une confrontation de maničres de faire différentes, seule la stratégie étant commune, le reste l’affaire de synergies et d’économies d’échelle. Dčs lors, on peut supposer que l’opération sera couronnée de succčs. Les bourses ont d’ailleurs bien réagi, ce qui est important en ces temps oů la création de valeur écrase de son poids tous les autres critčres.
ŤBA/IBť, numéro 3 européen, disposera d’une flotte de 420 avions et transportera un peu plus de 58 millions de passagers par an. Et ce ne pourrait ętre qu’un début : les propos emphatiques tenus par Willie Walsh, directeur général de BA et futur patron de l’entreprise fusionnée, permettent d’entrevoir une politique ambitieuse de croissance externe. Pour autant, ce qui n’est pas prouvé, que des moyens adéquats soient disponibles. Sans plus attendre, il est question d’une Ťliste secrčteť d’une douzaine de proies potentielles, de quoi animer les confortables clubs londoniens oů se rencontrent les hommes d’influence.
Willie Walsh évoque volontiers les deux principales difficultés ŕ prendre en compte, ŕ savoir la concurrence de plus en plus vive sur un marché perturbé par la récente récession et, par ailleurs, la montée en puissance des compagnies low cost. A propos de ces derničres, les propos sont sans tabous, ce qui n’est pas toujours le cas ŕ Paris et Francfort. Il est vrai que les chefs de file en la matičre sont anglais et irlandais, c’est-ŕ-dire symboliquement trčs proches de BA. Laquelle s’est brűlé les ailes, il y a quelques années, en cherchant ŕ contrer Ryanair et EasyJet en créant une filiale dédiée, Go ! Ce fut un échec.
Les analystes s’en donnent ŕ cœur joie. Ils dressent une fois de plus des plans sur la comčte, le verbe haut, le propos sentencieux. Ils expliquent, sur le ton de la nouveauté, ce que nous savons tous depuis bien longtemps, ŕ savoir que l’avenir est aux regroupements. Les trois grandes alliances mondiales, aprčs tout, ne sont que des clubs, bien installés dans le paysage mais qui ont probablement atteint leurs limites génétiques. Oneworld, SkyTeam et Star recrutent ŕ tout va, pour gonfler leurs statistiques en męme temps qu’elles confčrent la respectabilité ŕ de nouveaux membres de second rang.
L’avenir se joue pourtant ailleurs, par le jeu des fusions. Bientôt, le transport aérien européen pourra se comparer, pour l’essentiel, ŕ son grand frčre américain. Quelques Ťmajorsť, actuellement trois et, contrairement ŕ ce qui se passe aux Etats-Unis, non pas des regroupements par fusions en cascade, mais des agglomérats continuant de refléter le morcellement de l’Europe et l’absence d’unité sociale.
A côté, quelques trčs puissantes low cost, toujours en croissance forte, championnes du point ŕ point ŕ petits prix et des intervenants de niche. Reste ŕ régler le sort de compagnies moyennes, férocement indépendantes pour certaines, ŕ la recherche d’un bon parti, pour d’autres. Elles figurent évidemment sur la liste secrčte de Willie Walsh et vont tenter de se vendre cher tout en sauvant l’honneur. Avec la possibilité d’un mouvement de surenchčre venu d’Air France-KLM et Lufthansa. Bientôt, en effet, toutes les bonnes places seront prises.
Pierre Sparaco - AeroMorning